Le chômage partiel est l'un des outils les plus fréquemment utilisés en temps de crise économique. Il consiste en une réduction temporaire du temps de travail afin de garantir l'emploi et les revenus des salariés, tout en permettant aux entreprises de réduire les coûts de main-d'œuvre grâce à l'aide de l'État.
Lors de la crise économique et financière de 2008/2009, l'Allemagne, en particulier, a bénéficié de l'utilisation généralisée du chômage partiel pour endiguer le chômage malgré une baisse massive de la production économique. Il n'est donc pas surprenant qu'en réponse à la crise actuelle de COVID 19, l'utilisation du chômage partiel puisse atteindre de nouveaux records en Allemagne. Le gouvernement allemand évalue que suite à la crise COVID 19, le nombre de travailleurs en chômage partiel pourrait atteindre environ 2,35 millions de travailleurs en 2020. Au cours des deux dernières décennies, le nombre de travailleurs touchés par le chômage partiel se situait entre 100 000 et 200 000 par an.
Un débat a toutefois récemment vu le jour sur le niveau d'indemnisation du chômage partiel, qui s'élève actuellement à 60 ou 67 % (dans les ménages avec enfants) du salaire net. Dans ce contexte, les syndicats allemands demandent une augmentation de l'indemnité légale de chômage partiel à au moins 80 % du salaire net pendant la durée de la crise COVID 19. Une étude sur la Short-time compensation in the Corona crisis (indemnisation du chômage partiel dans le cadre de la crise du corona), qui vient d'être publiée par Thorsten Schulten de l'Institut de recherche économique et sociale (WSI) de Düsseldorf et Torsten Müller de l'ETUI, montre que l'Allemagne se situe effectivement en bas de l'échelle des pays européens ayant des réglementations en la matière comparables. L'étude montre en outre que ce n'est que grâce à des conventions collectives sectorielles négociées par les syndicats et les organisations patronales que l'indemnité allemande de chômage partiel atteint le même niveau que celle des autres pays européens. Néanmoins, compte tenu du faible taux de couverture des négociations collectives en Allemagne, notamment dans les secteurs à bas salaires, seule une minorité de salariés bénéficieront effectivement de ces dispositions plus avantageuses.
De nombreux pays européens versent une allocation de chômage partiel nettement plus élevée, de 80 à 100 %. Sur les 15 pays européens inclus dans l'étude, quatre pays (Irlande, Danemark, Pays-Bas et Norvège) versent une allocation de chômage partiel qui couvre jusqu'à 100 % de la perte de salaire (voir le graphique ci-dessous). En Suède, l'indemnité de chômage partiel varie entre 92,5 et 96 % selon son degré. Dans quatre pays (Autriche, Royaume-Uni, Italie et Suisse), l'indemnité de chômage partiel s'élève à 80%, les catégories salariales les plus basses en Autriche recevant une prime plus élevée pouvant atteindre 90%. En Espagne, en Belgique et en France, 70% de la perte de revenus est compensée, tandis qu'au Portugal, les deux tiers (66,66%) sont octroyés. L'allocation de chômage partiel est versée sur une base nette ou brute, selon le pays. Dans les pays où le salaire brut est compensé, le paiement net peut être encore plus élevé. C'est le cas en France, par exemple, où, en raison de l'exonération fiscale, une allocation de chômage partiel de 70 % du salaire brut correspond à une compensation nette de 84 %.
Graphique : Allocation de chômage partiel en pourcentage du salaire dans certains pays européens
Note : * Dans certaines industries, le niveau est sensiblement plus élevé lorsqu'il est complété par des conventions collectives.
Source : Schulten et Müller : Kurzarbeitergeld in der Corona-Krise – Aktuelle Regelungen in Deutschland und Europa, WSI Policy Brief Nr. 38, 04/2020
En Allemagne, la perte de revenus résultant du chômage partiel est en partie compensée par des conventions collectives sectorielles, qui augmentent généralement l'indemnité légale de chômage partiel jusqu'à un niveau compris entre 75% et 100% du salaire net. Parmi les industries qui, dans le contexte de la crise COVID 19, ont négocié de meilleures conditions, on peut citer : l'industrie cinématographique (100% des salaires nets) ; la métallurgie (80-97%) ; la chimie (90%) ; le secteur automobile (KfZ-Handwerk) (90%) ; le secteur de la restauration collective (Systemgastronomie) (90%) ; les services textiles (80%) ; et l'industrie du bois et du plastique (75%).
Selon Thorsten Schulten et Torsten Müller, même si de plus en plus d'industries ont des conventions collectives visant à augmenter la compensation du chômage partiel, elles ne s'appliqueront qu'à une minorité de travailleurs couverts par la convention. Comme le soulignent ces derniers, "en particulier dans les secteurs classiques à bas salaires, il n'existe souvent pas de subventions conventionnelles complétant l'indemnité légale de chômage partiel". En outre, dans les secteurs à bas salaires, la couverture des négociations collectives est généralement particulièrement faible. "Cependant, ce sont surtout les salariés à bas revenus qui ne peuvent pas joindre les deux bouts longtemps avec une perte de revenu net de 40 pour cent. Pour la période de la crise COVID-19, les chercheurs estiment donc que l'Allemagne devrait augmenter son allocation légale de chômage partiel à au moins 80 % du salaire net, comme dans d'autres pays européens et notamment en Autriche, avec une augmentation plus importante allant jusqu'à 90 % pour les salariés du secteur à bas salaires.
Rédigé par Torsten Müller, chercheur senior à l’ETUI