
La Confédération européenne des syndicats (CES) a récemment relayé auprès de tous ses affiliés à travers l’Europe une alerte initiée en France sur les défaillances du masque Proflow asbestos fabriqué par le géant américain 3M. Ce masque de protection est le plus utilisé sur les chantiers de désamiantage partout en Europe. Rien qu’en France, il est régulièrement porté par plus de 25 000 travailleurs.
Le moteur qui pulse l’air ambiant contaminé par les fibres d’amiante à travers le système de filtration de cet équipement de protection individuel présenterait des baisses de régime au cours de son utilisation. Le débit d’air de 160 litres par minute requis par la législation et nécessaire au bon fonctionnement du dispositif n’est pas assuré de façon constante et les travailleurs qui portent ce masque ne sont donc plus protégés efficacement contre l’inhalation de fibres d’amiante.
D’après le quotidien Libération qui a révélé l’affaire au grand public, les dysfonctionnements de ces masques à ventilation assistée ont été rapportés à la direction de 3M pour la première fois en mai 2018 par une de ses salariées, elle-même alertée via les centres de maintenance des masques. Elle rapporte que « 90 des 100 équipements Proflow reçus présentent un problème de débit d’air insuffisant » et « qu’il n’y a pas d’alarme quand le débit est inférieur à 160 L/mn ». Mise à l’écart par son employeur et devant l’inaction de 3M qui affirme que ses masques sont homologués et donc parfaitement sûrs, cette lanceuse d’alertes s’est adressée à la Commission nationale Déontologie et Alertes en Santé publique et environnement (cnDAspe) qui a ouvert une enquête en décembre 2020 (voir son signalement 133).
La cnDAspe a informé la Direction Générale du Travail (DGT) – l’autorité française de surveillance compétente sur le matériel de protection des travailleurs – qui, après investigation, a publié en octobre 2021 un avis dans lequel on apprend que 3M a modifié la notice d’utilisation des masques Proflow asbestos et les a équipés depuis juillet 2020 d’un dispositif d’indication du débit d’air. L'avis stipule que l’utilisation des masques sans ce dispositif est prohibée.
Suite à l’alerte relayée par la CES, la confédération des syndicats néerlandais (FNV) a recommandé à tous les utilisateurs au Pays-Bas d’immédiatement arrêter de travailler avec les masques Proflow asbestos de 3M qui datent d’avant la date d’introduction de l’indicateur de débit.
Lors d’une réunion récente organisée par le FNV avec les responsables de 3M pour le Bénélux et à laquelle l’un des experts de l’ETUI a pu participer, le fabricant a fermement démenti tous les problèmes de qualité qui pourraient affecter ses masques de protection contre l’amiante. Pourtant, de nombreuses questions sont restées sans réponse : qu’est-il advenu des masques Proflow asbestos qui ne sont pas équipés du dispositif d’indication du débit d’air ? Sont-ils toujours utilisés ? Ont-ils été rappelés par le fabricant partout en Europe ? Quelle est la précision de l'indicateur de débit ? Quid de l’alarme (en dehors de celles pour filtres colmatés ou niveau de batterie faible) pour avertir l’opérateur d’une chute éventuelle du débit d’air en-dessous de 160 L/mn pendant l’utilisation du masque ?
Les enquêtes de la cnDAspe et de la DGT sont toujours en cours. Il est recommandé de relayer cette alerte auprès de tous les travailleurs de l’amiante qui pourraient être concernés par l’utilisation de ces masques sur les chantiers de désamiantage en Europe. En attendant de nouvelles informations et en application du principe de précaution, les recommandations du FNV devraient être appliquées partout en Europe.