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L'électrification a remplacé la diésélisation, sans aucun changement dans le modèle économique ou dans le cadre réglementaire de l'UE, révèle un rapport alarmant de l'ETUI. La révision "Fit for 55" du règlement sur le CO2 pour les nouvelles voitures et camionnettes va non seulement renforcer la tendance à l'utilisation de véhicules plus lourds et plus puissants, mais aussi réduire considérablement les avantages environnementaux de l'électrification. En outre, elle rendra les véhicules électriques à batterie (VEB) moins abordables pour les ménages, notamment dans le sud et en Europe centrale et orientale.

« La proposition "Fit for 55" est une reconnaissance lucide des échecs des paquets réglementaires sur le CO2 de ces 30 dernières années. Si rien ne peut justifier moralement le comportement de l'industrie automobile européenne (ni celles des marques étrangères présentes en Europe), il est également important de souligner combien ce résultat répréhensible est la conséquence logique de l'institutionnalisation par l'Union européenne de la montée en gamme de l'industrie », a déclaré l'auteur de ce rapport, Tommaso Pardi, directeur du Gerpisa, ENS Paris-Sarclay, CNRS. La Commission européenne a poussé le secteur automobile européen vers des voitures plus lourdes, plus rapides et plus chères, précisément à un moment où l'impératif de réduction des émissions de CO2 aurait dû exiger des voitures plus légères, moins puissantes et plus abordables. « La dérive réglementaire vers le haut de gamme a compromis les réalisations de l'électrification accélérée et la transformation la plus radicale de l'industrie », poursuit M. Pardi. Elle est également à l'origine du scandale du Dieselgate.

Concrètement, entre 2001 et 2015, la voiture européenne moyenne a gagné 10 % en masse et 26 % en puissance moteur - ce qui équivaut structurellement à une augmentation de 21 % des émissions de CO2. Au cours de la même période, l'industrie automobile était censée réduire les émissions de CO2 de 20 %, soit de 169 gr/km à 135 gr/km. Les 21 % d'émissions supplémentaires générés par la dérive haut de gamme signifient que ce qui était réellement demandé au cours de cette période était une réduction de 41 %.

Tesla : le mauvais modèle à suivre par les constructeurs automobiles européens

Le récit conventionnel tend à justifier des voitures surdimensionnées et surpuissantes pour un usage quotidien car, historiquement, les gens achetaient des véhicules polyvalents dont les dimensions et les propriétés reflétaient les usages les plus extrêmes (c'est-à-dire les quelques fois où toute la famille prend l'autoroute pour partir en vacances !) En revanche, les premiers BEV ont d'abord été conçus pour un usage quotidien urbain et périurbain, où ils seraient à la fois efficaces (consommant moins d'énergie et nécessitant des batteries relativement petites) et plus abordables : le poids d'une voiture est le facteur le plus important pour déterminer son autonomie, tandis que la taille de la batterie est le facteur le plus important pour déterminer son prix. Mais la dérive vers le haut de gamme - en contradiction avec les objectifs de la transition verte - s'est poursuivie e le BEV moyen en Europe a gagné près de 600 kg au cours des dix dernières années. Pourtant, la plupart du temps (environ 98 % des trajets), cette voiture surdimensionnée et surpuissante ne transporte en moyenne que 1,3 personne, parcourant moins de 50 km par jour à moins de 60 km par heure.

Danger pour l'industrie européenne : la concurrence de la Chine

La dérive du marché a non seulement augmenté le poids des BEV mais également le prix (10 000 euros plus cher) dans une proportion bien supérieure à celle des voitures conventionnelles. Elles ne peuvent actuellement pas être vendues en Europe sans de généreuses subventions publiques. En revanche, les mini-voitures chinoises sont déjà moins chères à l'achat que les voitures à essence équivalentes et sont les BEV les plus vendus en Chine, sans subvention. Si les constructeurs automobiles généralistes européens décidaient de se retirer du marché de l'entrée de gamme, ce seraient les constructeurs automobiles généralistes chinois qui prendraient leur place.

Pour éviter un tel scénario, et les conséquences hautement perturbatrices d'une montée en gamme accélérée de l'électrification, le rapport suggère solutions : la suppression les normes de CO2 basées sur le poids et l’introduction de l'efficacité énergétique pour évaluer la contribution réelle des véhicules électriques à la réduction des émissions de CO2 et pour calculer les émissions moyennes de CO2 des ventes de voitures neuves. 

Lire le rapport complet ici.