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Le comité d'évaluation des risques (RAC) de l'Agence européenne des substances chimiques (ECHA) vient de conclure dans un nouvel avis que la classification du glyphosate comme cancérogène n'est pas justifiée.

L’Agence maintient la classification actuelle de l’herbicide le plus vendu au monde comme causant des dommages oculaires graves et comme étant toxique pour la vie aquatique. Elle estime par ailleurs que les preuves scientifiques disponibles ne répondent pas aux critères de classification du glyphosate en tant que substance cancérogène, mutagène ou reprotoxique. Cet avis ouvre par conséquent la voie à un prolongement de l’autorisation de l’herbicide vedette du géant Bayer. En effet, si l’ECHA avait classé cette substance active comme cancérogène présumé (catégorie 1B selon le règlement Classification, Etiquetage et Emballage de l'UE), elle aurait été automatiquement interdite d’utilisation selon les critères d’exclusions définis dans le règlement de l’UE sur les substances phytosanitaires.

L’avis de l’ECHA, très attendu, a déchainé un flot de critiques de la part des syndicats européens et d’autres organisations de la société civile. Un communiqué commun, signé par la Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme (EFFAT) et de nombreuses ONG, qualifie cet avis de « déni de la science et de non-respect du droit européen ». D’après l’EFFAT, pour parvenir à sa conclusion, l'ECHA a dû rejeter voire même ignorer un grand nombre d'éléments de preuve provenant de diverses revues scientifiques à comité de lecture – des éléments tendant vers un classement du  glyphosate comme un cancérogène humain présumé.

Dès 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait déjà classé le glyphosate comme « cancérogène probable ». Et, en 2021, l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a démontré « une présomption moyenne d’un risque accru de lymphome non hodgkinien » en lien avec une exposition au glyphosate. L’ECHA affirme au contraire que son avis est conforme à la proposition des quatre États membres qui évaluent actuellement le glyphosate : Suède, France, Hongrie et Pays-Bas, ainsi qu'avec son évaluation précédente qui date de 2017.

Ce nouvel avis sera publié sur le site de l'ECHA et envoyé à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) d'ici la mi-août 2022. Ce sera alors à l'EFSA de réaliser une évaluation des risques que l’exposition au glyphosate pourrait poser aux personnes et à l’environnement avant que la Commission européenne présente aux Etats membres un projet de règlement sur le renouvellement ou non de l'autorisation de cet herbicide. L'EFSA a annoncé récemment qu'elle n'était pas en mesure de respecter le calendrier initial de l'évaluation du glyphosate et qu'elle aurait besoin d'une année supplémentaire (jusqu’en juillet 2023) pour évaluer les 3000 pages de commentaires et de données soumises au cours de la consultation publique. Ce retard va automatiquement prolonger l’autorisation du glyphosate jusqu’à la fin du processus d’évaluation, soit bien au-delà du 15 décembre 2022 initialement prévu.

Le glyphosate représente environ 25% du marché mondial des herbicides et les conséquences économiques d’une éventuelle interdiction de son utilisation en Europe seraient énormes. La controverse sur le maintien ou non de cet herbicide sur le marché communautaire ne faiblit pas et la crédibilité de l’avis rendu par l’ECHA sur ce dossier est mise à mal. En janvier 2022, la Commission nationale française de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (cnDASPE) estimait dans un avis que des évaluations internationales indépendantes sont « indispensables pour que les citoyens européens puissent avoir confiance et puissent accepter les conclusions du processus en cours sur l’évaluation des risques pour le vivant possiblement liés à l’utilisation du glyphosate ».