
Le rapport Benchmarking Working Europe de cette année - publication phare conjointe de l'ETUI et de la CES - est une édition spéciale, non seulement parce qu'il s'agit de l'édition du 20ème anniversaire, mais aussi parce qu'il analyse les conséquences d'une nouvelle crise totalement différente pour le monde du travail. Il ressort de cette analyse que nous devons être très attentifs à la protection des travailleurs et à l'Europe dans son ensemble, non seulement contre le virus du SRAS-CoV-2, mais aussi contre l'austérité.
Il faut reconnaître que les décideurs politiques semblent aborder ce nouveau défi d'une manière différente par rapport aux mesures d'austérité adoptées il y a dix ans dans le cadre de la gestion de la "Grande Récession" de 2008. On s'attend à ce que cette crise, plutôt que de provoquer un retour aux années de récession, soit en fait l'occasion de repenser en profondeur les paradigmes économiques et sociaux qui devront guider l'UE dans le monde post-Covid. Certains signes clés montrent que les choses pourraient évoluer dans ce sens, notamment la volonté des dirigeants européens et nationaux de renflouer non seulement les banques et les institutions financières, comme ce fut principalement le cas en 2008-2013, mais aussi de soutenir l'économie réelle, avec des instruments tels que le programme SURE (Support to mitigate unemployment risks in an emergency), suivi par le Plan de relance et de résilience, beaucoup plus substantiel. Ce qui est également important, c'est que ces plans de sauvetage ne sont pas, jusqu'à présent, assortis de conditions (anti-)sociales explicites. L'UE a même autorisé les États membres à s'écarter des règles budgétaires habituelles de l'Union via une clause de sauvegarde dans le pacte de stabilité et de croissance. Enfin et surtout, cette fois-ci, les syndicats ne sont pas tenus à l'écart des phases de planification de la stratégie de relance et pourraient en fait jouer un rôle dans la mise en œuvre de cette dernière.
Il importe toutefois de rester prudent face à ces nouvelles initiatives politiques, qui sont le résultat d'un compromis politique fragile. Les facteurs qui, il y a tout juste dix ans, ont favorisé le néolibéralisme et la discipline budgétaire comme réponse "naturelle" aux niveaux croissants de la dette n'ont pas disparu, et les programmes de relance sont limités dans le temps. Rien ne garantit que la prochaine fois que des décisions devront être prises, ces mêmes composantes ne reprendront pas le dessus dans les débats politiques. Nous devons encore définir les investissements qui seront les plus performants pour nous sortir de la crise du Covid-19 de manière socialement juste et écologiquement durable. En ce sens, il est également essentiel de reconnaître la fonction redistributive de conditions de travail décentes et de salaires équitables, ainsi que de souligner l'importance de la démocratie industrielle en tant que pilier clé de la stratégie de relance actuelle et du Green Deal.
C'est le dernier éditorial de cette année que nous sommes tous très probablement heureux de laisser derrière nous. Le virus, que peu d'entre nous attendaient, nous a obligés à adapter notre vie et notre travail. Si cette situation ne nous a pas plu, nous pouvons au moins dire que nous avons trouvé les moyens de nous en sortir tout au long de cette période difficile et nous méritons maintenant de faire une pause. Permettez-moi donc de vous souhaiter, ainsi qu'à vos proches, une fin d'année sereine et sûre et que l'année 2021 marque un nouveau départ pour nous tous.
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