
Le nouveau rapport d'EUROGIP, organisme travaillant sur les questions relatives à l'assurance et à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, propose une analyse des dispositions légales en matière de télétravail et de reconnaissance des accidents du travail dans sept pays européens : Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Italie et Suède.
La crise sanitaire a entraîné une accélération sans précédent du télétravail. Cette organisation du travail semble aujourd'hui durablement installée, notamment dans sa forme hybride conjuguant travail à distance et en présentiel au bureau. Et pourtant, il n'existe pas à l'heure actuelle d'actes législatifs européens concernant spécifiquement le télétravail. La référence est l'Accord-cadre européen sur le télétravail, conclu le 16 juillet 2002 par les partenaires sociaux de manière autonome. Ce texte n’est toutefois pas contraignant, en ceci qu’il incombe à chaque État Membre de le transposer ou non dans sa législation nationale.
En octobre 2022, les partenaires sociaux ont lancé des négociations en vue de mettre à jour l'Accord-cadre conclu 20 ans plus tôt et de discuter d'une éventuelle proposition de Directive européenne qui pourrait voir le jour en 2023. Cette dernière se concentrerait sur l’accès et l’organisation du télétravail, la prise en charge par l’employeur des équipements et des frais liés au télétravail, le droit à la déconnexion, l’équilibre vie privée-vie professionnelle, et la nécessité de renforcer la négociation collective dans ce domaine. La nouveauté par rapport à l'Accord-cadre est que la directive devra être transposée dans la législation nationale des États membres, avec pour effet une certaine harmonisation. C’est dans ce contexte que le nouveau rapport d’EUROGIP fait l’inventaire des dispositions légales en matière de télétravail dans sept pays européens.
À l'exception de la Finlande et de la Suède, les pays étudiés par EUROGIP disposent de définitions légales et/ou de législations spécifiques relatives au télétravail, stipulant certaines conditions précises notamment en matière de durée, d’accord avec l'employeur et de choix d’un lieu précis de télétravail. L’employeur reste généralement responsable de la santé et de la sécurité des travailleurs, même à distance, conformément à la directive-cadre (89/391/CEE3) et autres directives particulières. En revanche, tous les pays couverts par l'étude mentionnent la difficulté, voire l'impossibilité, pour l'employeur de vérifier la conformité avec les normes applicables, et de procéder à des inspections du lieu de travail, souvent privé, sans le consentement du télétravailleur. En Espagne, Allemagne, Autriche et Suède, le recours à des questionnaires, des check-lists, des photographies ou des descriptions téléphoniques visent à pallier ces difficultés. En France, les télétravailleurs doivent généralement fournir un certificat sur l'honneur ou une attestation de leur assureur habitation sur la conformité de certains équipements, et notamment de l’installation électrique.
L’étude d’EUROGIP montre également que, dans de nombreux cas, l’employeur n’est pas tenu de fournir du matériel et mobilier répondant aux standards ergonomiques. En Espagne, l'employeur participe uniquement aux frais de remplacement en cas d'usure. En Italie, l’employeur est tenu de fournir du matériel ergonomique uniquement lorsque le télétravail est lié à un poste de travail à distance fixe et préétabli, soumis aux mêmes limites horaires que celles observées au bureau. En Autriche, l'État a mis en place un système d'avantages fiscaux pour aider les salariés à déduire de leurs impôts les frais liés à l'achat de tels équipements pour le télétravail.
En ce qui concerne les accidents survenus en télétravail, certaines législations nationales disposent de définitions explicites plus ou moins détaillées. En France et en Espagne, tout accident survenu sur le lieu de télétravail et pendant les heures de travail est présumé être un accident du travail. Il revient exclusivement à l'employeur (ou à la Mutua en Espagne) de prouver l'origine non professionnelle de l'accident. A contrario, la présomption d'imputabilité n’existe pas en Italie, en Finlande et en Suède où, afin de bénéficier d’une indemnisation des préjudices, il doit y avoir un lien incontestable entre l'accident survenu à distance et l'activité professionnelle exercée au moment de l’accident. En Autriche, il existe une couverture accident assez large à l'intérieur du domicile (couvrant l’activité de travail en soi, les déplacements liés au travail dans d’autres pièces de la maison et pour satisfaire les besoins essentiels), tandis qu'en Allemagne il existe désormais une couverture accident à l’intérieur du domicile équivalente à celle applicable lors du travail en présentiel.
Les accidents survenant lors de trajets effectués dans le cadre du télétravail – pendant la pause midi ou lors d’éventuels détours pour chercher les enfants à l’école par exemple – ne sont pas toujours couvert. En Autriche, certaines lois nationales ou certain assureurs stipulent explicitement que la couverture en cas de télétravail est quasiment équivalente à celle en présentiel. Dans d’autres pays, elle s’applique uniquement sous certaines conditions. En Italie, la couverture s’étend uniquement aux arrangement « Smart Working », caractérisé par l'absence de contraintes de temps ou d'espace et une organisation du travail par phases, cycles et objectifs. En Allemagne, l’extension de la couverture s’applique uniquement aux trajets pour accompagner ou récupérer les enfants à l’école. En Finlande, cette couverture est formellement exclue en cas de travail à distance, sauf si une assurance complémentaire est souscrite (secteur privé). Dans les autres pays inclus dans l’étude, la couverture des accidents de trajet dans le cadre du télétravail n’est pas clairement définie par la loi (France, Espagne, Suède). L’étude note également que certains pays ont l'intention ou sont actuellement en train de prendre des mesures législatives visant à améliorer la couverture des accidents en télétravail (Finlande, concernant le secteur public) ou à mieux réglementer l'aménagement de l’environnement de travail à distance (Suède).
Le rapport d'EUROGIP présente une synthèse plus exhaustive, avec le détail des dispositions pour chacun des sept pays couverts et une riche bibliographie sur tous les textes qui ont été utiles à sa rédaction. Si cette analyse comparée montre que les États Membres tentent d’apporter une réponse législative au télétravail, elle montre également que les approches diffèrent significativement. Dans ce contexte, l’adoption d’une Directive permettrait de coordonner les efforts et d’établir des standards minimums en matière d’aménagement de l’environnement de télétravail.