Ludovic Voet est secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats. Ses responsabilités à la CES couvrent le développement durable et le changement climatique, la migration, la politique de la jeunesse, le travail atypique et l'économie de plate-forme, l'éducation et la formation, l'égalité et la non-discrimination, ainsi que la syndicalisation.
Q : Vous venez de lancer un nouveau guide à l'intention des syndicats concernant l'adaptation au changement climatique. Qu'entendez-vous par adaptation au changement climatique, et quels sont les secteurs les plus à risque ?
Pour faire face au changement climatique, nous avons deux stratégies possibles qui sont complémentaires. D'une part, nous pouvons essayer de freiner ces changements en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, nous pouvons essayer de nous adapter à ces changements. L'adaptation consiste à prendre des mesures pour empêcher ou limiter les dégâts que le changement climatique peut causer.
Si la réduction des émissions de gaz à effet de serre de manière équitable reste la priorité de la CES, il est devenu évident que nous devons maintenant aussi réfléchir à la manière dont nous pouvons nous adapter pour protéger les personnes et les communautés les plus vulnérables. Les cinq dernières années figurent parmi les plus chaudes dans les annales les plus récentes ; 18 des 19 années les plus chaudes ont été enregistrées après 2001. Cette augmentation de la température s'accompagne de phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations, les sécheresses, les incendies de forêt, qui deviennent de plus en plus intenses et fréquents.
Tous ces changements ont de graves conséquences pour les travailleurs de plusieurs secteurs. Par exemple, les travailleurs de la construction souffrent de plus en plus des vagues de chaleur et de l'augmentation des rayons UV qui mettent en danger leur santé et leur sécurité. Parallèlement, les pompiers et les infirmières sont confrontés à une augmentation de la charge de travail et du stress en raison de la fréquence accrue des incendies de forêt, des phénomènes météorologiques extrêmes ou de la recrudescence de nouvelles maladies et pathologies. D'autres secteurs, tels que l'agriculture, connaîtront probablement des changements spectaculaires en matière d'emploi au fil du temps. Même le secteur de l'énergie et de l'industrie seront touchés lorsque, par exemple, il n'y aura pas assez d'eau pour refroidir une centrale nucléaire ou si des phénomènes météorologiques extrêmes bloquent leurs chaînes d'approvisionnement ou causent des dommages aux infrastructures.
Q : Le dernier accord budgétaire entre les États membres au niveau de l'UE a été possible en réduisant les ambitions pour une Europe plus verte. Êtes-vous déçu et quel est, selon vous, le rôle du Parlement européen pour changer cette situation ?
L'accord conclu par le Conseil de l'UE est un premier pas prometteur en termes de solidarité entre les États membres, même si la proposition initiale de la Commission a été édulcorée. Il est également positif de voir que le Conseil de l'UE a réussi à réagir plus rapidement que lors de la crise précédente.
Néanmoins, la dimension climatique de l'accord est quelque peu décevante. Bien que le Conseil ait accepté d'allouer un tiers des fonds à la lutte contre le changement climatique, nous constatons que l'un des grands perdants des négociations est le Fonds de transition équitable dont le budget a été ramené de 40 milliards d'euros à 17,5 milliards d'euros. Cela soulève des questions car nous savons que ce fonds est l'un des principaux outils prévus par la Commission européenne pour soutenir les régions et les industries à forte intensité de carbone dans leur transition vers la neutralité carbone. Nous regrettons également que l'accord n'ait pas lié l'accès au fonds au respect de l'objectif de l'UE d'atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050.
La CES espère que le Parlement européen utilisera tout son poids pour réduire ces coupes et renforcer l'ambition climatique de l'UE. C'est indispensable si nous voulons parvenir à une transition équitable pour tous les travailleurs, qui ne laisse personne à la traîne. La CES a fait part de cette exigence au président Sassoli et aux dirigeants des groupes politiques.
Q : Comment analysez-vous le positionnement des organisations syndicales et du mouvement des jeunes autour des questions liées au changement climatique ?
La CES et le Comité des jeunes de la CES ont été très actifs au cours de l'année dernière pour établir des liens solides entre le mouvement des jeunes et les syndicats. Par exemple, la CES, ainsi que nombre de nos affiliés nationaux, ont soutenu publiquement les manifestations et grèves des jeunes pour le climat et ont rejoint les étudiants et les jeunes militants dans les marches pour le climat.
Je considère que le mouvement des jeunes et le mouvement syndical sont complémentaires. L'objectif du mouvement des jeunes est de mettre en avant l'agenda environnemental et de pousser nos décideurs politiques à agir plus rapidement contre le changement climatique pour préserver leur avenir. L'objectif des syndicats est de s'assurer que ces politiques climatiques sont sociales et équitables et qu'elles apportent un soutien suffisant aux travailleurs, aux régions et aux communautés les plus exposés et les plus vulnérables. Il n'y a pas d'emplois sur une planète morte et nous, en tant que CES, nous joignons donc à leur appel pour une action climatique ambitieuse. Toutefois, parallèlement, il est clair que si les politiques climatiques ne sont pas inéquitables et n'entravent pas les inégalités, elles ne bénéficieront d'aucun soutien public et l'action en faveur du climat sera mal acceptée par la société.