
La proposition tant attendue de directive sur le salaire minimum adéquat dans l'Union européenne a finalement été publiée mercredi dernier. Bien qu'elle constitue sans aucun doute un pas important dans la bonne direction, ce n'est pas la solution miracle qui permettra de garantir des salaires équitables à tous les travailleurs de l'UE. La voie à suivre pour parvenir à des salaires équitables est plus compliquée et nécessitera de nouvelles améliorations de la directive que les syndicats continueront à défendre.
Toutefois, cette proposition met en évidence ce que les syndicats considèrent comme une condition essentielle à l'augmentation des salaires, à savoir la couverture des négociations collectives. L'article 4 exige des États membres qu'ils "prennent des mesures en vue de promouvoir la capacité des partenaires sociaux à s'engager dans des négociations collectives sur la fixation des salaires et d'encourager des négociations constructives, significatives et éclairées sur les salaires". Qui plus est, il stipule que les États membres où la couverture des négociations collectives n'atteint pas 70 % des travailleurs doivent proposer "un cadre pour la négociation collective et établir un plan d'action pour promouvoir la négociation collective". Concrètement, cette disposition s'applique à au moins 15 des 27 États membres de l'UE selon le rapport Benchmarking Working Europe de l'ETUI de 2019, notre publication annuelle qui donne un aperçu de l'état de l'Europe sociale. Il convient de noter que cette couverture a régressé durant les années de la crise financière et économique, surtout en raison des choix politiques qui ont été faits dans le cadre de l'austérité et qui ont été en partie encouragés au niveau européen. Mais, de manière plus générale, la tendance des négociations collectives est à la baisse depuis les années 80. Selon notre prochain rapport de benchmarking qui sera lancé le 2 décembre, le nombre de salariés couverts par une convention collective dans l'UE27 est passé de 73% en 2000 à 61% en 2018. Cette nette réduction de la couverture des négociations collectives dans la majorité des pays de l'UE (cf. Benchmarking 2019) montre la nécessité d'un soutien politique dans les cas où les syndicats ne sont pas (plus) assez forts pour assurer une couverture étendue des négociations. En ce sens, cette directive constitue un pas dans la bonne direction, comme cela a été le cas avec l'engagement pris dans le SEDS d'encourager les acteurs de la négociation collective "à négocier et à conclure des accords dans les domaines qui les concernent, tout en respectant leur autonomie et le droit à l'action collective" (principe 8).
Des salaires minimums plus élevés sont essentiels pour sortir les travailleurs de la pauvreté, en particulier dans le contexte actuel marqué par la pandémie et la crise économique qui en découle. Cette fois-ci, nous devrions faire preuve de plus de discernement et ne pas répéter la même erreur que lors de la crise précédente où les négociations collectives ont été sapées par l'austérité au nom de la décentralisation et de la "flexibilité" des salaires. Des salaires équitables doivent être un élément important de la stratégie de relance de l'Europe si l'on veut que cette dernière soit couronnée de succès.
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