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Le 2 février 2023, le Parlement européen (PE) a voté en faveur des amendements à la directive de la Commission européenne sur les travailleurs de plateforme qui introduiraient une présomption d'emploi et augmenteraient la transparence algorithmique.

Après des mois de négociations ardues et un vote reporté de deux semaines, le projet de directive sur le travail en plateforme, très débattu et politiquement sensible, a finalement été approuvé en plénière, avec 376 voix pour et 212 contre. Le PE a approuvé le rapport de sa commission de l'emploi et des affaires sociales (EMPL), qui définit sa position de négociation, avec des mesures visant à lutter contre le faux travail indépendant dans le cadre du travail sur plateforme, un contrôle humain sur toutes les décisions affectant les conditions de travail, et l'obligation pour les plateformes de partager davantage d'informations avec les autorités nationales. Plus important encore, le droit des travailleurs de plateforme à un contrat de travail correct garantirait qu'ils bénéficient de droits tels que les congés de maladie payés, les congés payés et les taux de rémunération conformément à la législation nationale ou aux conventions collectives.

Selon la Confédération européenne des syndicats (CES), ces mesures sont d'une importance capitale pour "éviter que le modèle social européen ne soit érodé par une spirale de concurrence vers le bas basée sur l'évasion des obligations sociales, fiscales et de travail". Ludovic Voet, secrétaire confédéral de la CES, a déclaré : "Depuis trop longtemps, les entreprises de plates-formes dirigées par des multimillionnaires utilisent les failles de la loi pour échapper à leurs obligations les plus fondamentales envers leur personnel et la société. L'explosion du faux travail indépendant a laissé des millions de personnes travailler plus longtemps pour moins, a désavantagé la majorité des entreprises qui respectent les règles et a appauvri nos services publics par des impôts non payés".

Le Conseil de l'UE doit maintenant prendre position, afin que les négociations interinstitutionnelles du "trilogue" puissent commencer. Leïla Chaibi, l'une des eurodéputées les plus actives dans la défense des droits des travailleurs des plateformes, est assez pessimiste quant à la position de la présidence suédoise de droite du Conseil. Nous savons déjà que leur texte sera moins ambitieux que le rapport du Parlement, et même que la proposition de la Commission. Un accord devrait être trouvé en mars : nous ne nous attendons pas à ce qu'il soit formidable", dit-elle.

Selon Mme Chaibi, la stratégie consiste à "bloquer les négociations jusqu'à ce que la présidence espagnole prenne ses fonctions en juillet". L'Espagne est connue pour être partisane d'une approche interventionniste en matière de réglementation du travail sur les plateformes. La "loi sur les coursiers" introduite par l'Espagne en mai 2021 a été la première présomption d'emploi pour les coursiers de livraison de nourriture en Europe. Une présidence espagnole ne changerait cependant pas l'arithmétique au Conseil, où "il y a un bloc d'États qui sont vraiment contre la directive, comme la Suède, les pays baltes et la France", explique Chaibi. En décembre 2022, la proposition de la présidence tchèque - du côté des plates-formes - a montré que neuf États étaient prêts à résister à un texte qui aurait rendu la directive inopérante. Même à cette époque, deux de ces neuf États (l'Allemagne et la Roumanie) se sont abstenus lors du vote.

Après le vote du PE, la CES a exhorté le Conseil à adopter une proposition à la hauteur de l'ambition affichée par le Parlement européen. Rasmus Hjorth, coureur de Copenhague et collaborateur du Gig Economy Project, a déclaré que "nous avons des camarades suédois et un mouvement syndical suédois fort qui feront tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher [la présidence suédoise] de faire passer un texte de droite". Selon Chaibi, l'un des défis que le mouvement syndical doit relever pour faire pression sur le Conseil de l'UE est l'opacité de ses processus décisionnels. Chaibi veut faire pression sur le Conseil pour qu'il publie les procès-verbaux de ses réunions. Sans clarté, il ne peut y avoir d'appropriation du processus par les citoyens", affirme-t-elle.

Le mandat du Parlement européen est sans aucun doute une victoire pour les droits des travailleurs de plateforme, mais il reste un long chemin à parcourir avant que cela ne se traduise par quelque chose de concret pour les travailleurs de plateforme d'Europe.