Photo credits: David Pereiras

La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail français a publié les résultats de son enquête « TraCov », consacrée aux  conséquences de la crise sanitaire sur les conditions de travail.  

Parmi les problématiques soulevées, on retrouve la question du télétravail et son impact sur la santé des travailleurs. Basée sur un échantillon de 5220 salariés, ce volet de l’enquête distingue cinq groupes de télétravailleurs : exclusifs, intensifs, vulnérables, occasionnels et exceptionnels. Ces différents groupes se définissent par rapport à leur comportement vis-à-vis du télétravail, à la fois en termes de fréquence, de contenu des tâches réalisées et de moyens techniques utilisés. Trois groupes sont particulièrement intéressants dans la mesure où ce sont ceux qui ont vu leurs conditions de travail le plus changer.

Le groupe exclusif (25% des télétravailleurs) télétravaille à distance tous les jours de la semaine et estime disposer de moyens suffisants pour réaliser leur activité à distance. Ils sont plus diplômés et plus fréquemment en contrat à durée indéterminée (CDI) que les autres groupes, et disposent le plus souvent d’une expérience antérieure du télétravail. Évoluant majoritairement au sein du secteur privé, il s’agit le plus souvent de cadres mais qui exercent rarement des tâches de supervision. Parmi les professions le plus représentées on peut citer celles de l’informatique, des banques ou des assurances.

Le groupe intensif (30% des télétravailleurs) pratique le travail à distance de un à quatre jours par semaine mais a connu de longues périodes de télétravail exclusif durant le confinement. Ils bénéficient souvent d’une prise en charge des moyens matériels par l’employeur. Assez proche du précédent, ce groupe est très diplômé et composé de salariés du privé ou de cadres, particulièrement dans l’industrie et le commerce. Ils occupent par exemple des fonctions de cadres dirigeants, d’ingénieurs ou de professionnels de la communication.

Les « exclusifs » et les « intensifs » souhaitent poursuivre le télétravail de façon régulière. La conciliation entre travail et vie personnelle reste délicate mais ils apprécient de pouvoir mieux gérer leurs engagements personnels et familiaux. Les « exclusifs » jouissent d’une plus grande autonomie dans l’organisation de leur travail, ce qui se traduit le plus souvent par des horaires décalés mais sans pour autant augmenter l’intensité du travail. Chez ces deux groupes, la diminution des contacts avec les clients ou les usagers semble être un facteur protecteur face à la hausse des tensions observées chez les autres groupes. Ils sont toutefois enclins à signaler une augmentation des douleurs à différents endroits du corps.

Le groupe vulnérable (17% des télétravailleurs) télétravaille également entre un et quatre jours par semaine mais n’a eu qu’une pratique hybride du télétravail durant le confinement. Ils se distinguent également par des difficultés importantes dans leur travail, des problèmes de connexion, d’applications numériques ou de matériel. N’ayant que très peu d’expérience du télétravail avant la crise, ils découvrent de nouveaux outils numériques et voient augmenter leurs temps d’utilisation de l’informatique. Ils disposent d’une ancienneté plus longue que la moyenne et sont moins souvent des encadrants. Évoluant typiquement dans le secteur public, les professions les plus représentées sont les formateurs, les enseignants ou les professionnels de l’action sociale.

Les « vulnérables » cumulent des dégradations sur l’ensemble des facteurs de risque, même s’ils gagnent en autonomie. Ils font face à une hausse très marquée des conflits de valeur, des exigences émotionnelles, et des difficultés à concilier vie privée et professionnelle. Les salariés de ce groupe subissent un fort allongement de la durée du travail et de son intensité, notamment du fait de devoir « travailler sous pression » ou « penser à trop de choses à la fois ». Ils ressentent également un affaiblissement du collectif de travail: ils peuvent moins compter sur le soutien de leurs supérieurs ou de leurs collègues en cas de difficulté. Ils se disent « bouleversés dans leur travail » et affirment « vivre des tensions avec le public », ce qui renvoie notamment aux particularités des métiers de la fonction publique. Enfin, ces travailleurs sont les plus touchés par le développement des douleurs physiques et des troubles du sommeil. 37 % d’entre eux présentent des symptômes dépressifs, contre 23 % pour l’ensemble des salariés.

Selon la Dares, la dégradation marquée de la santé mentale et physique chez ce groupe de travailleurs est liée aux mauvaises conditions d’organisation du télétravail qu’ils subissent. Elles se traduisent par une surexposition aux risques psychosociaux, des risques pour lesquels la prévention est encore insuffisante et parfois même inexistante. Depuis de nombreuses années, la Confédération européenne des syndicats œuvre en faveur de l’adoption d’une directive dédiée aux risques psychosociaux. Une telle directive serait une grande avancée pour les télétravailleurs dans la mesure où, comme le montre cette enquête, les risques auxquels ils sont exposés sont principalement de nature psychosociale.