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Le 10 décembre, la Commission européenne a lancé sa proposition de batteries durables, première initiative dans le cadre du plan d’action pour l’économie circulaire. Cette proposition vise à garantir que la demande croissante de batteries en Europe soit couverte par des produits verts à faibles émissions et fabriqués à partir de matériaux recyclés, ce qui renforcera la circularité de l’économie et réduira la pollution.
Les nouvelles normes en matière de batteries durables fixées par l'UE auront également un effet important sur la politique industrielle. En créant des prescriptions obligatoires pour les batteries, la Commission espère que les entreprises européennes pourront prendre un avantage sur le marché mondial. Comme les batteries représentent une part importante de la valeur des voitures électriques, ce règlement peut également avoir un impact significatif sur l'industrie automobile et servir l'objectif d'autonomie stratégique, dont un des piliers essentiels est l'objectif de diffusion des normes de l'UE. En même temps, cette proposition est un bon exemple de défi pour les décideurs politiques qui doivent trouver un équilibre entre les objectifs climatiques et environnementaux, d'une part, et les intérêts économiques nationaux/régionaux, d'autre part.
La proposition de réglementation préconise des exigences obligatoires en matière d'étiquetage, d'empreinte carbone maximale, de contenu recyclé, de diligence raisonnable dans la chaîne de valeurs, d'accès des tiers aux informations sur les batteries et d'objectifs plus élevés en termes d'efficacité du recyclage et de collecte. En abordant les critères de gestion de fin de vie, la réglementation étend la responsabilité des producteurs, fixe des objectifs de collecte et des obligations telles que des objectifs d'efficacité du recyclage et des niveaux de matériaux récupérés. Cette proposition contient des dispositions sur les marchés publics écologiques obligatoires.
Un élément clé de la proposition - décisif également du point de vue de la politique industrielle - est l'évaluation de l'empreinte carbone qui tient compte des émissions de carbone des différentes batteries, produites dans des usines spécifiques, en fonction également de la durée de vie prévue de la batterie.
Cette proposition établit des normes de durabilité sans précédent pour les batteries au niveau mondial, ce qui est en soi une grande réussite. Mais peut-elle aussi aider l'Europe à gagner la "course aux batteries" ou à améliorer sa position dans un segment de marché essentiel où d'autres contrôlent la chaîne de valeurs ?
Il est utile d'examiner le marché mondial des batteries lithium-ion, une technologie de base pour le 21ème siècle. La Commission prévoit que la demande de batteries en Europe au cours de cette décennie sera multipliée par 14 d’ici 2030, principalement en raison des 30 millions de véhicules électriques attendus dans l’UE d’ici 2030. La Commission prévoit une expansion rapide de la capacité de production européenne et espère que l'UE deviendra autosuffisante en matière de batteries pour véhicules électriques d’ici 2025.
Selon Benchmark Minerals, la Chine représentait 73 % de la capacité mondiale des batteries Li-Ion en 2019, alors que la part de l'UE n’était que de 6 %. D'ici 2029, la capacité mondiale des batteries au lithium-ion devrait être multipliée par six par rapport à 2019, dont la part de la Chine devrait atteindre 70 %, tandis que celle de l'UE devrait être de 16 %.
Une "course aux batteries" se déroule actuellement à l'échelle mondiale, le nombre de grandes usines de batteries - appelées méga-usines de batteries - étant passé de 17 en 2017 à 142 en mars 2020 (la Chine en possédait respectivement 9 et 107).
Il reste à voir si les normes élevées de la proposition actuelle en matière de batteries donneront un avantage suffisant aux producteurs locaux dans la course mondiale aux batteries. L'Europe pourrait gagner un avantage sur les pays où un réseau électrique à forte intensité de charbon signifie que l'empreinte carbone de la fabrication de batteries est plus élevée.
L'une des faiblesses de cette proposition est qu'un seuil obligatoire pour l'empreinte carbone des batteries industrielles et des véhicules électriques rechargeables vendus en Europe ne sera introduit qu'à partir de 2027, avec une obligation de divulgation uniquement à partir de la mi-2024 et un étiquetage des classes de performance à partir de 2026.
En outre, le seuil de carbone n'est pas encore défini. Sa définition sera également délicate dans le contexte de l'UE, car il aura des effets régionaux inégaux, avec éventuellement des gagnants et des perdants. Les usines de batteries qui prolifèrent dans la région d'Europe centrale à forte intensité de combustibles fossiles, y compris en Allemagne, en Hongrie et en particulier en Pologne, seraient-elles perdantes, tandis que l'Europe du Nord et la France, à forte intensité nucléaire et hydroélectrique, seraient gagnantes ? La fixation d'un seuil de carbone ambitieux et acceptable pour les États membres, tout en offrant un avantage concurrentiel aux sites de l'UE, sera un exercice politique délicat. Mais il faut le faire avant qu'il ne soit trop tard.
L'ONG Transport & Environment a salué cette proposition progressiste, mais a critiqué sa faible ambition "de ne récupérer que 70 % du lithium des batteries usagées d'ici 2030, alors qu'il est déjà démontré que 90 % constitue la meilleure solution aujourd'hui".
Crédits photos: joebelanger