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Dans un avis rendu public le 10 janvier 2022, la Commission nationale française de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE) recommande un examen du processus d’expertise concernant le renouvellement de l’utilisation du glyphosate en Europe.

Le glyphosate est la substance active la plus utilisée au monde dans la production d’herbicides, avec plus d’un million de tonnes produites en 2017 à l’échelle mondiale. Initialement commercialisée par Monsanto sous l’appellation ‘Roundup’, la molécule est tombée dans le domaine publique en 2000. Depuis cette date, les concurrents de Monsanto se sont taillés de larges parts dans son marché historique en proposant des génériques à moindre coût.

L'utilisation du glyphosate est autorisée jusqu'à 15 décembre 2022 dans l’UE, date à laquelle l’autorisation temporaire délivrée par la Commission Européenne cinq ans plus tôt arrivera à échéance. En vue de sa réautorisation, quatre Etats membres rapporteurs (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) ont été chargés de rendre aux autorités européennes un rapport d’expertise sur la dangerosité potentielle du célèbre herbicide. En juin 2021, le pré-rapport de 11 000 pages conclut que le glyphosate ne remplit aucun critère d’interdiction prévu par le règlement européen sur les produits phytosanitaires, et ouvre ainsi la voie au renouvellement de son autorisation.

Plus précisément, les Etats rapporteurs estiment que le glyphosate ne peut être classé comme un agent mutagène, cancérogène, reprotoxique ou comme un perturbateur endocrinien. Le groupe d’évaluation ajoute qu’aucun risque chronique ou aigu pour le consommateur n'est attendu du traitement des cultures au glyphosate, moyennant que ‘les bonnes pratiques agricoles’ soient respectées.

Ces conclusions s’opposent toutefois à celles d’autres institutions, et notamment celles du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qui a classé le glyphosate comme ‘cancérogène probable’ en 2015. De même, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) conclu à ‘une présomption moyenne d’un risque accru de lymphome non hodgkinien’ en lien avec une exposition au glyphosate.

C’est dans ce contexte que le CNDASPE, l’institution française chargée de veiller à la déontologie de l’expertise dans les champs sanitaires et environnementaux, a produit son avis. Selon Denis Zmirou-Navier, président de la CNDASPE, le pré rapport européen ‘a opéré une sélection drastique, en excluant la plupart des études sur le glyphosate publiées dans la littérature scientifique internationale, retenant essentiellement celles fournies par les industriels’. Le professeur honoraire de santé publique poursuit : ‘Il faut que cette méthode soit questionnée, il n’est plus possible de continuer à faire de l’expertise en ignorant les avancées de la science’. Le dossier de réautorisation du glyphosate fait en effet l’objet d’une intense bataille de lobbying.

Les mêmes critiques ont été formulées par une ONG française de défense de l’environnement dans un rapport publié en novembre 2021. Récemment, la Fédération européenne des syndicats de l’alimentation, de l’agriculture et du tourisme (EFFAT) a pris position pour une interdiction immédiate du glyphosate en Europe.

Ainsi, le collège de la CNDASPE appelle à la constitution de deux panels de personnalités indépendantes internationales. Le premier groupe, composé de spécialistes de la déontologie de l’expertise scientifique, serait chargé d’examiner les liens d’intérêts de chacun des experts ayant participé au pré rapport rendu 2021, mais également celui ayant conduit à la réhomologation du glyphosate en 2017. Quant au second groupe, il aurait pour mission de faire l’examen critique des données scientifiques retenues dans le cadre du processus d’expertise, et réunirait des experts indépendants en matière de cancérogenèse, de toxicologie, de perturbation endocrinienne ou encore d’écotoxicologie.

L’avis conclut que ces deux évaluations sont ‘indispensables pour que les citoyens européens puissent avoir confiance et puissent accepter les conclusions du processus en cours sur l’évaluation des risques pour le vivant possiblement liés à l’utilisation du glyphosate’.