Photo credits: metamorworks

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Le 24 mars 2022, la Chambre fédérale du travail d’Autriche (AK Europa) a publié un document de position portant sur le déploiement des systèmes de transport intelligents (STI) dans le transport routier. Le document soulève les inquiétudes liées à la protection des données en réponse à la proposition de la Commission européenne de modifier la directive 2010/40/UE qui définit le cadre de la réglementation des STI dans l’UE.

À la croisée des chemins entre les technologies de l’information et l’ingénierie des transports, les STI permettent la collecte, le stockage et la diffusion d’informations sur le trafic en temps réel d’une manière qui bénéficie à la fois aux utilisateurs commerciaux et au grand public. Ils ont pour but de fournir des services innovants en rapport avec les différents modes de transport, comme la gestion du stationnement en temps réel, la disponibilité des sièges dans les transports publics ou les algorithmes de programmation des feux de circulation. Leur conception permet d’utiliser l’infrastructure de transport d’une manière plus sûre, plus efficace et plus « intelligente ».

Bien que les STI puissent se rapporter à tous les modes de transport, la directive 2010/40/UE a restreint leur champ d’application au domaine du transport routier et de ses connexions avec d’autres modes de transport. Elle a établi un cadre pour l’élaboration de spécifications techniques dans certains domaines, avec pour objectif de garantir l’interopérabilité nécessaire à l’échange efficace et effectif de données. Le 14 décembre 2021, la Commission européenne a présenté une proposition de modification de la directive, ainsi que des propositions relatives aux réseaux transeuropéens de transport (RTE-T), à la mobilité urbaine et à un plan d’action visant à promouvoir le transport ferroviaire longue distance et transfrontalier de voyageurs. Plus spécifiquement, la proposition jette les bases d’une collecte obligatoire et d’une meilleure disponibilité de données importantes pour fournir des services STI.

Dans sa prise de position, AK Europa, un organe juridique représentant les intérêts d’environ 3,8 millions de travailleurs en Autriche, souligne que le Règlement général de l’UE sur la protection des données 2016/679 (RGPD) n’offre pas une protection suffisante aux employés et aux consommateurs lorsqu’il s’agit de l’échange et de l’utilisation des données provenant de ces systèmes. Dans sa forme actuelle, le RGPD stipule que l’utilisation de données anonymes doit être encouragée « le cas échéant ». Mais même lorsque les données sont anonymes, les applications d’apprentissage automatique peuvent être utilisées pour identifier les individus sur la base des données du véhicule telles que les habitudes de mobilité.

L’association des données aux personnes ouvre les vannes d’un traitement extensif des données des consommateurs à des fins de publicité ciblée. Du point de vue du chauffeur professionnel, ces systèmes peuvent être assimilés à des technologies de surveillance et entraîner des violations de la dignité humaine et des droits des travailleurs. AK Europa demande plus de clarté et une meilleure protection par l’intermédiaire de dispositions sectorielles dans les futures applications des STI, par exemple en cas d’accès aux données à bord du véhicule. L’accès direct aux données à bord d’un véhicule signifie que tout prestataire de services tiers aurait un accès direct et complet aux données à l’intérieur d’un véhicule en marche, et ce, sans aucun contrôle.

AK Europa a également souligné que les exigences de transparence et de documentation de la loi sur l’intelligence artificielle sont insuffisantes et qu’elles doivent être complétées par les principes de co-détermination et de droit de veto pour les employés et leurs groupes d’intérêt. En outre, AK Europa critique le fait que les questions relatives aux droits des consommateurs en matière de sûreté et de sécurité soient exclues, ce qui signifie que la responsabilité retombe sur les consommateurs en fin de compte. Plus généralement, AK Europa considère que le point de vue de la Commission sur les STI est trop centré sur les technologies et qu’il ne reconnaît pas les défauts et dysfonctionnements potentiels de nombreuses applications. Pour parvenir à des solutions véritablement durables et intermodales, les STI doivent être intégrés dans un vaste cadre politique et réglementaire.

Selon Aída Ponce Del Castillo, chercheuse principale de l’Institut syndical européen, « un problème récurrent identifié dans toutes les propositions numériques de la Commission européenne est le fait que l’emploi est systématiquement négligé. L’accent est placé sur le marché et non sur la protection des droits des travailleurs ».