Recommandations politiques

  • Les coûts et les charges qui accompagnent la législation (taxes et redevances, rapports de suivi et d’évaluation, statistiques, étiquetage, …) sont inhérents au système démocratique. Leur suppression éventuelle doit reposer sur une évaluation au cas par cas et non sur une approche comptable.
  • La puissance règlementaire, les nouvelles formes de normalisation et la stratégie de contournement systématique des règles internationales par la Chine et certains Etats tiers constitue une priorité plus importante que l’approche « Un ajout, un retrait » (OIOO, One-In, One-Out).
  • Au plan interne, la réforme du système d’analyse d’impact de la règlementation euro-péenne et de la consultation des parties concernées et des partenaires sociaux est un impératif plus urgent.
  • En cas d’application de l’approche « Un ajout, un retrait », un test de non-régressivité devra être réalisé lors du retrait de toute charge substantielle dans les secteurs environnementaux, sociaux, de la santé et de l’emploi.

Introduction

La règlementation et les normes en général constituent-elles un frein à l’innovation et une entrave à la compétitivité des entreprises ? Oui pour l’Allemagne et certains autres Etats membres, pour les fédérations d’entreprises (Business Europe) et les grandes firmes multinationales qui multiplient les appels à réduire drastiquement la charge règlementaire et administrative de l’Union européenne (UE).

Jusqu’ici toutefois, la Commission avait résisté devant les demandes répétées de systématiser une méthode comptable qui soit neutre en termes d’obligations règlementaires et administratives.

Bien qu’ils s’en défendent, les contempteurs de la législation européenne et de la « hard law » visent à privilégier des instruments plus souples et moins contraignants censés répondre au besoin d’innovation, aux progrès en matière de digitalisation et à la nécessité de s’adapter plus facilement face aux concurrents américains et chinois.

Introduite à la demande de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, l’approche « Un ajout, un retrait » (OIOO, One-In, One-Out) deviendra un axe structurant de la politique de l’UE à partir de 2022. Ce principe consiste à compenser les nouvelles charges résultant des propositions législatives de la Commission par une réduction équivalente des charges qui existent déjà dans le même domaine d’action. Repoussée à plusieurs reprises, la traduction concrète de l’annonce politique de la présidente de la Commission a mis près de 18 mois avant de voir le jour. Le 29 avril 2021, le Collège adopte enfin une longue Communication qui noie l’approche OIOO dans « de nouveaux instruments permettant de simplifier  encore et de réduire les charges » au milieu d’autres annonces concernant la consultation des parties prenantes, la transparence et l’amélioration de la boîte à outils.

Au moment où paraît la Communication « Un ajout, un retrait » sont adoptés les paquets de propositions mettant en oeuvre le « European Green Deal » et le « Fit for 55 », la transition numérique, la mobilité et le transport ainsi que les différents textes liés à la relance de l’UE, soit plusieurs dizaines d’actes législatifs et non législatifs qui s’apprêtent à gonfler l’acquis communautaire de nouvelles obligations pour les entreprises, les administrations publiques, les parties prenantes et le citoyen. Alors que ces nouvelles règlementations ajouteront des responsabilités extrêmement exigeantes à celles déjà en vigueur, il est assez paradoxal que la Commission explique qu’il faudra dorénavant neutraliser toute nouvelle obligation à partir de 2022.

Révolution copernicienne ou évolution « business as usual » ?

Dans sa Communication d’avril 2021, la Commission précise que « l’approche ‘un ajout, un retrait’ permettra de s’intéresser non seulement aux charges résultant d’actes législatifs spécifiques mais plus largement à l’accumulation des charges dans chaque domaine d’action » (p. 10). Sont explicitement visés les coûts d’information, d’enregistrement, de suivi et de contrôle supportés par
les entreprises et les citoyens.

« L’approche ne se veut pas mécanique », précise la Commission qui cherche plutôt « à compenser les charges (…) par des allègements introduits par d’autres propositions relevant du même domaine d’action » (p. 11).

Afin de rendre le système plus « dynamique », la Commission a prévu trois types d’aménagement de son approche :

  • Flexibilité à l’intérieur de la période de référence : si un « retrait » ne peut être désigné dans le programme de travail de la même année, il en sera fait état l’année suivante ;
  • Échange entre domaines d’actions dans certains circonstances exceptionnelles : s’il n’est pas possible de trouver un « retrait » dans le même domaine, la Commission peut décider de puiser le « retrait » dans un autre domaine d’action ;
  • Exemption dans certaines circonstances exceptionnelles : s’il existe une volonté politique de règlementer mais qu’il n’est pas possible de désigner une compensation dans le même domaine, la Commission peut décider d’exonérer ladite règlementation.

La Commission testera l’approche dès le second semestre de 2021 et en débutera la mise en oeuvre dans le cadre du programme de travail 2022.
La réduction des charges pourrait prendre plusieurs formes :

  • Utiliser les outils numériques pour réduire certains types de charges ou d’obligations ;
  • Regrouper plusieurs textes législatifs en un seul volume ;
  • Rassembler les rapports, les statistiques, les mécanismes de consultations relatifs à plusieurs actes législatifs d’un même domaine politique en une seule obligation ;
  • Rendre facultatives certaines charges en oblitérant leur caractère d’obligation ;
  • Faire porter la responsabilité de certaines obligations non plus sur les entreprises ou sur certaines parties prenantes mais sur les autorités publiques ;
  • Privilégier les règlements par rapport aux directives en raison de leur effet immédiat pour toutes les parties ;
  • Remplacer l’approche législative par un recours accru aux voies alternatives à la règlementation.

La réaction liminaire des camps en présence

A ce stade ni le Conseil, ni le Parlement européen n’ont encore adopté de position formelle quant à l’approche de la Commission. Seules ont eu lieu de premières passes d’armes dans la Commission JURI du Parlement européen, le 8 juin 2021, et dans le groupe de travail « Mieux légiférer » du Conseil, le 9 juin 2021. L’approche a été très diversement reçue par les Etats membres mais une tonalité critique forte semble émerger des deux camps en présence pour des raisons opposées.

Dans le camp de ceux qui plaident, depuis de longues années, en faveur de la compensation règlementaire - Allemagne en tête suivie par les Pays-Bas, les pays nordiques (Danemark, Suède et Finlande), l’Espagne, la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie, l’Irlande, la Lettonie, l’Estonie, la Croatie et Malte -, c’est une grande déception : « Too little, too late ».

De ce côté de la table, la critique est triple :

  • Cette approche sera inopérante dans la pratique en raison des flexibilités et des possibles exemptions introduites dans le système (voir ci-dessus) ;
  • Le champ d’application visé par la méthode ne prend pas en compte la totalité des coûts de conformité, à savoir les coûts internes, tels que les salaires et les frais généraux liés à toute nouvelle règlementation, ainsi que les coûts externes (expertise scientifique, aide juridique, accompagnement comptable, etc.) ;
  • L’introduction de l’approche en 2022 voire en 2023 si la phase pilote devait se prolonger ne permettra pas une application du système au paquet législatif « Fit for 55 » ainsi qu’aux paquets digital et mobilité notamment, soit au gros des propositions législatives de la Commission von der Leyen.

De l’autre côté de la table, la déception est plus mesurée mais bien réelle. « Le ver est dans le fruit » entend-on parfois du côté de la France, du Luxembourg, de la Belgique ou de la Bulgarie, qui craignent que cette approche ne mine la qualité, la cohérence, la sécurité et la prévisibilité juridiques qui doivent présider à l’adoption des actes législatifs. La maîtrise des coûts et des charges est un objectif important, certes, mais l’attention doit davantage porter sur les bénéfices d’une législation pour l’ensemble de l’UE et sur la sécurité juridique globale.

Les autres Etats membres (Italie, Roumanie, Grèce, Portugal, Autriche, Slovaquie, Lituanie, Slovénie et Chypre) ont un avis moins tranché ou plus nuancé se reconnaissant parfois dans les deux positions en présence : réduire la charge règlementaire mais sans nécessairement passer par l’approche OIOO.

Une vision à courte vue centrée sur la financiarisation de la décision politique

Les critiques adressées peu ou prou par le deuxième groupe d’Etats membres (Belgique, France et Luxembourg) peuvent être ramassées de la manière suivante :

Premièrement, dans son souci de ménager les deux camps en présence, la Commission relaie la prémisse de ceux qui estiment qu’il faut réduire les charges qui résultent de la législation. Ce point de vue est contestable car le raisonnement sous-jacent part de l’idée que la législation génère des charges et des coûts inutiles sans relever d’abord que la législation a pour but de protéger l’Union européenne, ses entreprises et ses citoyens et d’assurer la sécurité juridique globale. En effet, la règlementation est d’abord un puissant vecteur d’intégration, un facteur de progrès social et environnemental contribuant à défendre les valeurs de l’Union mais également une manière efficace de réduire les coûts de  la non-Europe et de lutter contre les nombreuses fragmentations qui minent le
marché intérieur.

Deuxièmement, la Commission ne définit à aucun moment ce qu’elle entend par le vocable de « charge » qui recouvre le plus souvent des obligations pour les entreprises, les administrations publiques ou les citoyens. En ne faisant pas la distinction entre obligations « utiles », totalement justifiées - on pense aux obligations qui s’adressent aux GAFAMS -, et charges redondantes, irritantes ou
inutiles, la Commission manque une occasion d’objectiver le débat.

Troisièmement, la Commission présente la compensation règlementaire comme une adaptation ‘business as usual’ de sa méthode de travail alors qu’en réalité l’approche introduit une forme de révolution copernicienne de la méthode communautaire. En cela, elle constitue une rupture dans le continuum législatif, ce qui est précisément l’objectif principal poursuivi par l’Allemagne et consorts. Faire en sorte que les parties prenantes, et notamment les fédérations patronales et les puissants lobbys industriels, puissent contester, dès le départ, le bien-fondé d’une législation au motif qu’elle renchérirait le coût pour les entreprises.

Une volte-face aux relents idéologiques

L’introduction de l’approche « Un ajout, un retrait » est l’histoire d’une volte-face aussi surprenante qu’inquiétante. Chargés de l’évaluation de l’approche OIOO,  la Commission Juncker et son administration (avec son puissant Secrétariatgénéral) avaient conclu au caractère inapproprié du principe OIOO en lui préférant une approche « au cas par cas » au terme d’un examen approfondi.

En décidant de faire volte-face, la Commission von der Leyen reconnaît implicitement l’échec du programme Regulatory Fitness and Performance Programme (REFIT) qui avait pour objectif de repérer le bois mort règlementaire en vue de son retrait. Depuis 2012, la Commission a passé au crible l’acquis communautaire pour en repérer les redondances, les charges inutiles voire nuisibles. De ce travail de criblage, de nombreuses charges inutiles ont été supprimés au cours de révisions successives de l’acquis de l’UE.

Un OVNI politique dans le ciel juridique de l’Union

L’introduction de l’approche OIOO pose des questions de nature constitutionnelle et institutionnelle.

Caractère douteux de l’approche « Un ajout, un retrait » au regard des traités de l’Union

Au titre de l’article 17, § 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), « la Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin ». A ce titre, c’est elle qui est la garante de l’acquis communautaire. Dès lors, la décision unilatérale d’introduire un mécanisme quasi-automatique qui retranche de l’acquis des parties d’actes jugés trop encombrants ou trop coûteux alors qu’ils ont été adoptés en codécision avec le Parlement européen, représentant les citoyens européens, et le Conseil, représentant les Etats membres, affecte son rôle de gardienne du droit dérivé de l’UE. En effet, l’acquis communautaire est le « coffre-fort règlementaire » de l’UE. Le fait pour la Commission de devoir supprimer des pans de règlementations pour faire place à de nouvelles règles constitue une forme de violation des accords inter-institutionnels de l’UE.

Avant de généraliser l’approche OIOO, il faudrait a minima que la Commission procède préalablement à une analyse d’impact des conséquences juridiques d’une telle systématique au terme d’une large consultation et de la modification de l’Accord interinstitutionnel de 2016 sur le « Mieux légiférer ». L’affaire pourrait même être portée devant la Cour de Justice de l’UE.

Une nouvelle bureaucratie au service de la débureaucratisation de l’Union

Au motif de débusquer les charges existantes (« out ») pour faire place aux nouvelles charges (« in »), la Commission devra déterminer au préalable quel type de charge doit être éliminé et quel type de charge doit être gardé. Cela augure d’arbitrages difficiles entre directions générales, entre unités au sein d’une même DG et entre institutions sachant que l’introduction d’une « charge » – soit le plus souvent une obligation – a toujours une justification soit qu’elle ait été introduite par la Commission soit qu’elle l’ait été par les co-législateurs pour des raisons déterminées. Créant une règle délicate à mettre en oeuvre, peu claire et peu transparente, la Commission crée une nouvelle forme de bureaucratie opaque car le système commande paradoxalement de créer de nouvelles couches intermédiaires non démocratiques (comités d’experts chargés du calcul préalable des charges « in » et « out », comité de la hache règlementaire, etc.).

Une première difficulté, quasiment insurmontable sera la « quantification » des charges car celles-ci sont de nature qualitative ou quantitative. Comment monétiser le bien-être, les bienfaits liés à la protection de l’environnement, à la protection sociale, à la promotion d’un niveau élevé d’emplois de qualité, au maintien du réchauffement climatique sous les 2 degrés Celsius, etc. ? Doit-on
prendre en compte le coût immédiat, le coût à moyen terme ou celui à long terme ? Comment comparer les obligations ou les charges facilement quantifiables et celles qui sont impossibles voire difficiles à quantifier ? Parmi les autres risques, il y a celui, bien réel, que le calcul des obligations à charge des entreprises ne soit contesté par certaines parties. Soit que celles-ci contestent le caractère inutile d’une charge, soit qu’elles estimeront que les calculs visant à la « quantifier » ne prennent pas ou pas suffisamment en compte certaines dimensions ou certains bénéfices (suivi, pilotage, consultation,
etc.). Bref, le risque est grand que l’on entre dans une bataille d’experts qui discuteront davantage de la quantification des charges que de leurs bénéfices éventuels.

S’ajoute la question fondamentale de la manière dont le retrait éventuel de la charge ou du coût incriminé sera organisé.

  • Faudra-t-il une analyse d’impact préalable au retrait de cette charge (ce qui serait logique) pour en mesurer l’incidence éventuelle sur une cible, un territoire, un domaine politique déterminé ?
  • A quelle institution le coût de cette analyse d’impact incombera-t-il ? Au budget général de l’UE ou aux parties prenantes qui auraient fait la demande de sa suppression ?
  • Le retrait de la charge passera-t-il par la procédure habituelle à deux lectures ou sera-ce une procédure « fast track » qui sera utilisée pour ce faire ?

D’autres réformes sont plus urgentes que l’approche « Un ajout, un retrait »

Davantage que l’approche OIOO, d’autres mesures apparaissent comme plus fondamentales pour répondre aux évolutions récentes en matière de normes. Devenir leader sur le front des normes La puissance règlementaire, les nouvelles formes de normalisation et la stratégie de contournement des règles internationales par la Chine et certains Etats tiers que ce soit sur le front des normes commerciales (OMC), agricoles et de santé publique (FAO et OMS), dans les télécommunications ou en matière de normalisation électronique ou électromécanique apparaissent comme des
enjeux bien plus fondamentaux. Ainsi, la volonté de la Chine d’obtenir le poste de Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour M. Qu Dongyu, en juin 2019, au détriment de la candidate européenne (la Française Catherine Geslain-Lanéelle) était motivée par le souhait de Pékin de peser sur les travaux du Codex Alimentarius qui traite des normes et des lignes directrices pour le commerce international de produits alimentaires (Abis 2020).

Améliorer l’analyse d’impact

Plus que jamais, il faut réformer l’analyse d’impact des propositions substantielles de la Commission. Généralement fastidieux et rempli de références bibliographiques, ce document technique est moins un instrument destiné à faciliter la compréhension d’un acte juridique qu’une manière pour la Commission de justifier les fondements technico-juridiques de sa proposition législative. Il serait préférable que l’analyse d’impact d’une proposition puisse offrir aux co-législateurs et aux parties prenantes une matrice intelligente de simulation dynamique qui aide les co-législateurs à anticiper l’impact potentiel
de leurs amendements.

Améliorer la consultation des parties prenantes

Comme le reconnaît la Commission, la consultation des parties prenantes doit être plus efficace et sortir d’une logique binaire pour aller à la rencontre des besoins et des demandes des partenaires sociaux et de la société civile.

Le minimum minimorum acceptable

Si le système « Un ajout, un retrait » devait être introduit encore faudrait-il que cette approche soit clairement délimitée au-delà des trois aménagements que la Commission a prévus (voir supra).
Instaurer un verrou anti-régression L’effet retour direct de la suppression d’une charge est très faible pour les entreprises individuelles. En revanche, la suppression de certaines obligations qui obèrent la compétitivité pourrait déstabiliser la gouvernance de l’UE et se révéler néfaste pour certaines politiques, environnementales et sociales notamment.

Or ce que réclament 99% des petites et moyennes entreprises (PME) mais aussi les partenaires sociaux, ce sont, outre l’allègement des charges administratives, davantage de sécurité et de prévisibilité juridiques, surtout en cas de crise, la cohérence et la transparence des textes règlementaires, une haute qualité des lois européennes et nationales, l’accessibilité de l’information en temps réel et la voix au chapitre lors des consultations publiques. Ouvrir un dialogue avec les parties prenantes et les Etats membres

Le fait qu’il y ait des redondances, une bureaucratie tatillonne, des retards injustifiés voire des coûts supplémentaires à honorer n’est pas toujours le fait de l’Union européenne. Il en va également de la responsabilité des Etats membres qui, à juste titre, ajoutent certaines exigences (statistiques, enquêtes de satisfaction, étiquetages, etc.). Les Etats membres doivent conserver le droit d’ajouter certaines exigences complémentaires en cas d’harmonisation minimale d’une législation même si le dialogue structuré entre l’UE et ses Etats membres gagnerait à être amélioré.


L’approche ‘Un ajout, un retrait’ s’ajoute aux réformes en cours

Depuis l’AII de 2016, le paysage règlementaire a énormément évolué. Sous l’influence des parties prenantes, et notamment des fédérations d’entreprises, mais aussi d’Etats membres tels que les pays nordiques, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Tchéquie, l’Irlande, l’Estonie, Malte notamment la règlementation devra obéir à trois impératifs :

  • Être numérique par défaut (digital by default) ;
  • Être tournée vers le futur (future proof) ;
  • Être favorable à l’innovation (innovation friendly).

A ces trois impératifs, qui visent déjà à alléger la charge de la règlementation sur les citoyens, les entreprises et les autorités publiques s’ajoute l’approche « Un ajout, un retrait » qui modifie profondément les relations en ce qu’elle limite la capacité des co-législateurs d’ajouter de nouvelles obligations, vues comme autant de charges à compenser ultérieurement.

Conclusions

L’approche « Un ajout, un retrait » éclaire le débat entre deux écoles de pensée. La première estime que l’intégration européenne progresse par la voie normative en substituant une règle commune aux 27 règles existantes. La seconde estime que l’UE doit se construire de manière plus pragmatique, au moindre coût, en faisant confiance aux technologies digitales, en scellant des accords « futur-proofed » qui promeuvent l’innovation. La suppression d’une obligation à charge n’est pas synonyme d’argent immédiatement disponible pour une entreprise individuelle. Le plus souvent, il s’agit du déplacement d’une charge d’un opérateur vers les pouvoirs publics ou vers la collectivité.

La marge du stock disponible de charges inutiles facilement détectables qui soient « détachables » de la règlementation de l’UE concernée est réduite. La nouvelle approche de la Commission « Un ajout, un retrait » confirme, d’une certaine manière, l’opprobre qui est jeté sur le travail législatif de l’UE en suggérant à mots couverts que les institutions européennes créent des obligations inutiles et onéreuses à charge des entreprises et des pouvoirs publics.

Ce faisant, le message adressé aux citoyens et aux parties prenantes est que l’UE est une machine bureaucratique pesante qui fait du mauvais travail, et ce au moment où la construction européenne est contestée par des partis populistes eurosceptiques et europhobes.

Alors que le Royaume-Uni, héraut de la lutte contre la bureaucratie, a quitté l’UE depuis près de trois ans, il est piquant de constater que d’autres Etats membres, Allemagne en tête, ont pris le relais du « Moins légiférer ».

Espérons que le débat sur l’approche « Un ajout, un retrait » pourra faire émerger la seule question qui vaille : comment améliorer la sécurité, les protections globales ainsi que la justice et la solidarité au travers d’une meilleure intégration des politiques de l’UE dans un souci d’efficience.

Références et notes : voir PDF

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Table of contents

"Un ajout, un retrait", une approche incohérente face aux défis majeurs européens_2021_0.pdf