La justice belge a condamné le 28 novembre dernier la société Eternit à dédommager la famille d’une victime environnementale de l’amiante à hauteur de 250.000 euros. Françoise Jonckheere, une habitante de Kapelle-op-den-Bos, était décédée en 2000 d’un cancer de la plèvre, le mésothéliome, causé par une exposition à l’amiante. Son mari qui avait travaillé chez Eternit pendant des années, était décédé lui aussi plusieurs années auparavant de cette même maladie. Le tribunal a estimé qu’Eternit a commis une faute en continuant à utiliser de l’amiante et en en minimisant les dangers alors qu’il était connu qu’il pouvait provoquer le cancer de la plèvre.
Le mari de Françoise Jockheere a travaillé sa vie durant pour la société Eternit à Kapelle-op-den-Bos, où la famille habitait. Il est mort en 1987 d’un cancer de la plèvre. Lorsqu’en 2000, Françoise Jonckheere avait développé la même maladie, elle avait décidé d’intenter un procès à Eternit. Elle était décédée quelques mois plus tard mais ses cinq fils ont continué le combat en justice. Depuis, deux d’entre eux sont morts de la même sorte de cancer, l’un en 2003 et l’autre en 2009.
La défense d’Eternit n’a jamais mis en doute le fait que la maladie de Françoise Jonckheere a été causée par son exposition à l’amiante mais elle a toujours affirmé qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à l’entreprise. Eternit affirme que les dangers de l’amiante n’étaient pas clairement déterminés.
Ces arguments ont été rejetés par le tribunal de première instance de Bruxelles qui estime qu’il était connu depuis au moins 1967 que l’amiante pouvait causer le cancer de la plèvre. Eternit aussi le savait ou aurait dû le savoir mais n’en a pas tenu compte, selon le juge.
Pire même, puisque la société a tenté d’occulter les dangers, selon le jugement. « Il est prouvé à suffisance qu’Eternit a tiré un intérêt personnel de la manière avec laquelle on a tenté de minimiser et de dissimuler les dangers de l’amiante et du fait de combattre les initiatives légales en vue de la protection de la santé publique ».
Eternit avait aussi plaidé la prescription de l’affaire parce que Françoise Jonckheere était venue habiter déjà en 1952 à Kapelle-op-den-Bos et qu’elle avait été exposée à l’amiante depuis cette époque. Mais le tribunal n’a pas suivi Eternit sur ce point. Le juge estime que le délai de prescription n’a commencé à courir qu’à partir du moment où la victime n’a plus été exposée à l’amiante, soit en 1991, lorsque Françoise Jonckheere avait été vivre à Namur. De plus, la prescription a encore une fois été suspendue à partir du moment où il a été établi qu’elle souffrait du cancer de la plèvre, en 2000.
Le tribunal a finalement accordé à la famille Jonckheere un dédommagement de 250.000 euros. Il a été tenu compte dans le jugement du fait que des droits élémentaires comme le droit à la vie et le droit à une vie familiale ont été lésés. Le tribunal a aussi tenu compte du « cynisme incroyable avec lequel des connaissances scientifiques ont été balayées par appât du gain ». Eternit dispose à présent d’un mois pour interjeter appel.
"Ce jugement met un terme au régime d'impunité dont a trop longtemps bénéficié la firme Eternit en Belgique. Grâce au courageux combat d'une famille, c'est le lourd tribut payé dans l'indifférence générale par des milliers de travailleurs belges qui est enfin reconnu", a réagi Laurent Vogel, le directeur du département Conditions de travail de l'ETUI.

Sources: Belga, ETUI