fos sur mer 4.png

Deux tiers des participants à une enquête menée auprès de la population de deux communes accueillant sur leur territoire l’un des plus grands complexes pétrochimiques d’Europe souffrent de maladies chroniques, dont des cancers.

Une équipe pluridisciplinaire réunissant des sociologues, épidémiologistes, biostatisticiens et anthropologues français et américains ont mené en 2015 une enquête auprès de 816 habitants de Fos-sur-Mer et de Port-Saint-Louis-du Rhône (3,3% de la population totale), deux municipalités situées à une quarantaine kilomètres à l’ouest de Marseille. On dénombre sur le territoire de ces deux communes un grand nombre d’installations pétrochimiques et sidérurgiques, ainsi qu’un incinérateur, une raffinerie de pétrole, deux terminaux méthaniers, une cimenterie, etc.

Les résultats de l’enquête, présentés à la population en janvier dernier, montrent que 63% des habitants des deux municipalités souffrent d’une maladie chronique, contre 37% dans le reste de la France. Les affections respiratoires représentent le problème de santé le plus souvent rapporté (40% de la population). La proportion d’habitants touchés par le diabète, tous types confondus, est presque deux fois supérieure à la moyenne nationale (11,6% contre 6%).  La prévalence des problèmes de peau chroniques s’élève à 26,8% des répondants, alors qu’en France la  prévalence n’est que de 9,4%.

La prévalence des cancers dans ces deux communes atteint 10, 5% contre 6% dans le reste de la France. Les femmes des deux municipalités sont particulièrement touchées par le cancer : 14,5% des femmes de l’étude ont eu un cancer, contre 5,4% des femmes en France.

Les types de cancer les plus fréquents parmi les répondants étaient, dans l’ordre décroissant, le cancer du sein (26% de tous les cancers de l’étude), le cancer de la prostate et de l’utérus (11,5% de tous les cancers de l’étude pour chacun). Un autre quart des cancers de l’étude est constitué par les cancers de la thyroïde, du colon et les lymphomes.

Les auteurs de l’étude ont interrogé les répondants en emploi sur leur exposition à la pollution dans le cadre de leur travail. Ils ont constaté parmi les personnes exposées professionnellement un risque plus important d’irritations des yeux, de problèmes de peau et de maladies respiratoires autres que l’asthme, soit des affections qui n’ont pas des temps de latence importants entre exposition et déclenchement.

L’étude n’a par contre pas pu établir d’association entre exposition professionnelle à la pollution et cancers. Les auteurs précisent qu’ils n’ont pas inclus dans leur analyse l’exposition professionnelle perçue des répondants qui étaient retraités au moment de l’enquête. Or, on sait que pour la plupart des cancers le temps de latence est généralement long, et donc que les cancers liés à des expositions sur le lieu de travail sont souvent diagnostiqués après le départ à la retraite. On peut regretter que les enquêteurs n’aient rassemblé plus d’informations sur les expositions des retraités aux cancérogènes au cours de leur carrière.

D’autant plus qu’une association locale, créée par des médecins généralistes actifs dans les deux communes, a mis en évidence, il y a plus de vingt ans déjà, l’exposition d’une partie de leur patientèle à de multiples cancérogènes sur leur lieu de travail.  Dans son dernier rapport d’activités, l’Association pour la prise en charge des maladies éliminables (APCME) indique qu’elle a mené depuis 1994 quelque 4.000 enquêtes afin d’identifier l’éventuelle origine professionnelle des maladies touchant les patients suivis par des médecins de l’association. Ce travail a permis la reconnaissance de 1600 maladies professionnelles, dont 200 cas de cancer.

En savoir plus :

Allen B. L. et al., Redesigning a Participatory Health Study for a French Industrial Context, New Solutions, number 3, 2016.