Le centre pénitentiaire de Jilava, au sud de Bucarest, est l’une des plus grandes prisons de Roumanie, et une des rares prisons dont le système pénitentiaire roumain se montre fier. Celle qui servait de prison politique au temps du régime communiste accueille aujourd’hui environ 1 000 détenus en régime ouvert et semi-ouvert, dont la moitié travaille à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison. Un système qui permet de faire fonctionner cette ville dans la ville, d’améliorer les conditions de détention, de faciliter le travail du personnel, de pallier la pénurie de main-d’oeuvre dont souffre le pays et de contrôler les prisonniers.
Plutôt que "prison de Jilava", on a envie de l’appeler seulement "Jilava", comme la petite ville dans laquelle elle est établie, au sud de Bucarest. Car c’est une ville dans la ville: un millier de détenus, le personnel, un petit "gouvernement", son église, sa supérette, sa bibliothèque, sa salle d’études, ses terrains de sport, sa chaîne de télévision... Et un "bloc alimentaire", qui jouxte le bâtiment de trois niveaux où s’enfilent les cellules. Les portesdes cellules sont ouvertes en ce moment, il est 10 h du matin, les détenus vont et viennent comme ils veulent à l’intérieur de l’enceinte. Pour ceux qui ne sont pas occupés.
Au bloc alimentaire, qui abrite aussi la laverie, une quinzaine de détenus sont au travail. C’est là que sont cuisinés chaque jour les repas. On ne cuisine pas n’importe quoi, il y a un régime calorique spécial régi par la loi: 350 g de soupe à chaque déjeuner, 500 g pour le plat principal. Et on adapte aux différents régimes médicaux et religieux. En tout, 14 plats différents par repas, cuisinés par les détenus eux-mêmes, coordonnés par deux chefs cuisiniers en alternance. L’un deux, Gheorghe, travaille à Jilava depuis 20 ans. "On est comme une famille ici. Mais on ne peut pas se permettre de s’attacher." À Jilava, la plupart des peines sont inférieures à 3 ans, les détenus ne restent donc pas longtemps. Mais c’est aussi une règle de déontologie qui est transcrite dans le règlement d’ordre intérieur: les contacts physiques entre le personnel et les détenus sont interdits afin d’éviter tout favoritisme. Donc on se dit bonjour, mais on ne se serre pas la main.
Commencer par le bloc alimentaire donne tout de suite à voir le microcosme de Jilava. Pour manger, la loi alloue 6 lei (1,30 euro) par jour et par détenu. Comme de nombreux Roumains qui cultivent des légumes dans leur jardin pour pallier leurs faibles revenus, Jilava a son propre jardin, de plusieurs hectares. Choux, haricots, carottes, concombres, aubergines, tomates, oignons, céleris, poivrons, etc. sont cultivés sous serre ou en extérieur, de sorte que le pénitencier est auto-suffisant en légumes. Des détenus sont déjà en train de préparer les semences pour le printemps. Chaque année sont ainsi récoltés 40 à 50 tonnes de choux, préparés en saumure pour pouvoir être stockés et consommés l’hiver. Les 6 lei/jour/détenu sont utilisés pour acheter la viande, le pain et les fruits au marché. Avant, il y avait un "secteur zootechnique" avec des cochons. "Il y a 25 ans, Jilava était totalement auto-suffisante", raconte Ştef Marius, 45 ans, vice-directeur délégué à la sécurité des détenus. C’est lui qui guide notre visite à l’intérieur de la prison. "Depuis, des terres expropriées par le régime communiste ont été rétrocédées et les règlements européens en matière d’élevage et d’abattage sont devenus plus stricts et plus difficiles à respecter, surtout depuis que la production a été arrêtée et que les bâtiments se sont dégradés." À Rahova, l’autre prison de Bucarest, le secteur zootechnique comptait 1 100 cochons, tous sacrifiés lors d’une épidémie de grippe porcine en 2006. "Aujourd’hui, il faudrait repartir de zéro. La priorité des autorités est de construire de nouvelles places de prison, pas d’investir dans celles déjà existantes."
Ion, 23 ans, travaille au bloc alimentaire. Il s’occupe du nettoyage du sol, des murs, épluche les légumes, nettoie les marmites et les casseroles. Avant son incarcération, il travaillait à la logistique chez Auchan. Cette semaine, il est du matin, 4 h 30 - 13 h 30, 8 heures de travail avec une pause d’une heure au milieu. "Commencer à 4h30 du matin, c’est difficile. Et c’est dur aussi parce qu’il faut porter des charges lourdes, mais je m’y suis habitué. Si tu travailles, tu as des bénéfices, c’est pour ça que je le fais, parce que j’ai deux enfants et je veux sortir le plus vite possible. Ça nous aide aussi à ne pas trop penser à chez nous, le temps passe plus facilement."
Le travail au bloc alimentaire, comme tous autres les travaux à l’intérieur de la prison, n’est pas rémunéré financièrement mais en crédits et en jours. Les crédits accumulés (2 par jour de travail) permettent de gagner des "récompenses" : un paquet supplémentaire, une visite supplémentaire, une visite intime supplémentaire, une permission pour sortir voir sa famille, l’annulation d’une punition. "Les jours", c’est une réduction de la période légale au bout de laquelle le détenu peut faire sa demande de libération conditionnelle: un jour en moins pour deux jours de travail à temps plein. Travailler permet ainsi aux détenus d’adoucir leur séjour en prison et d’accélérer leur potentielle libération.
Comme des parents avec leurs enfants
Sur le millier de détenus que compte Jilava, environ 300 travaillent à l’intérieur de la prison, 200 à l’extérieur. Ceux-là gagnent moins de jours sur leur libération conditionnelle que ceux qui travaillent à l’intérieur (1 jour pour 3 jours de travail), mais ils bénéficient du même système de crédits récompense et touchent un salaire. Avec ce système, quasiment tous les détenus veulent travailler. Certains ne veulent pas – parce qu’ils sont en fin de peine ou trop vieux –, d’autres ne le peuvent pas: si le médecin les juge inaptes (malades, handicapés) ou s’ils posent des problèmes. "Les détenus qui sont violents ne travailleront pas", explique Ştef Marius. "Si tu as un bon comportement, tu as de nombreuses opportunités. Mauvais comportement, pas d’opportunité." Le vice-directeur chargé de la sécurité fait partie de la commission du travail, qui s’occupe de placer les détenus en fonction de leur profil et de leurs compétences. Il fait aussi partie de la commission des récompenses. Avec le directeur du pénitencier, la vice-directrice déléguée à l’éducation et le vice-directeur économique et financier, ils composent le petit "gouvernement" de Jilava.
Dans ce système, pas de bâton, seulement des carottes qu’on donne ou qu’on retire. Ştef Marius s’en est particulièrement servi en juillet 2016. Des émeutes avaient éclaté dans la prison de Iaşi, les détenus se révoltaient contre leurs conditions de détention, et le mouvement s’est étendu à d’autres prisons du pays. Mais pas à Jilava. "On a mobilisé tout le personnel, le centre de réintégration fonctionnait à plein", se souvient-il. "Si tu les maintiens occupés, il n’y aura pas de problème. Si tu les laisses penser à ce qu’ils veulent... Je passais dans les cellules, je m’asseyais sur les lits avec les prisonniers pour regarder les émeutes à la télé avec eux. Et on en discutait. J’ai rassemblé les leaders informels et je leur ai demandé : Est-ce que quelque chose ne va pas ici? Pensez à vos enfants, il faut garder les choses comme elles sont ou vous allez tout perdre. Si tu contrôles les leaders, tu contrôles les prisonniers."
Le système pénitentiaire roumain emploie 13000 personnes pour 16000 postes; 3000 ne sont pas pourvus faute de moyens, principalement des postes de gardiens. Dans ce contexte, la question de l’occupation des détenus est essentielle. "Plus les détenus sont actifs, entre le travail ou des activités éducatives, plus le taux d’infraction au règlement carcéral est bas", explique Gabriel Badea. Celui qui est aujourd’hui chef du service de la production travaille à Jilava depuis plus de 15 ans. "Ça aide le personnel qu’un détenu se lève le matin, ait un emploi du temps... Ils sont plus sages, leur énergie est canalisée, nos collègues ont moins de problèmes avec eux. Et on a quelque chose à leur offrir, autrement c’est seulement un rapport homme contre homme, une confrontation d’énergies."
À Jilava, les trois quarts des détenus sont occupés, selon Ştef Marius, soit au travail, soit à des activités éducatives ou culturelles. Celles-ci ont principalement lieu au centre de réintégration. Ici aussi, toujours sous la supervision de membres du personnel, des détenus travaillent: Sorin, 36 ans, est à l’alphabétisation des détenus étrangers ou de ceux qui n’ont pas été à l’école; Dragoș, 43 ans, est moniteur sportif... Des enseignants viennent de l’extérieur pour assurer les cours, du primaire au secondaire. Les détenus les plus éduqués sont aussi chargés de donner de petites conférences sur divers sujets. Tudor, 38 ans, un ancien détenu de Jilava qui a été libéré en décembre 2018, était par exemple chargé d’un cours éducatif sur la famille. Chaque cours lui rapportait des crédits, comme à ceux qui y participent. Il s’occupait aussi du magazine de Jilava, un numéro mensuel unique et en un seul exemplaire, car écrit à la main par les détenus. Il travaillait aussi à la bibliothèque. "Pour moi, c’était le travail de rêve." À tel point qu’aujourd’hui, il aimerait bien revenir travailler au centre de réintégration de Jilava comme membre du personnel. "Les gens étaient très bien là-bas. Et il y a des choses à faire pour les prisonniers. Être plus à l’écoute par exemple."
Prisonnier au travail, prisonnier heureux? Tudor semble être la preuve vivante que ça existe, et il n’y a pas de raison de douter de sa sincérité, l’entretien avec lui est le seul qui n’ait pas été organisé et supervisé par la direction du centre pénitentiaire. Mais sa situation n’est pas représentative de la majorité des détenus – et il en est conscient. Tudor dispose d’un certain capital financier, social, éducatif et d’un caractère qui lui ont facilité la détention et les relations avec le personnel et ses co-détenus. Le fait que sa condamnation soit liée à un dossier politique très médiatisé lui a valu d’être placé dans la "section VIP" de Jilava: une section séparée des autres à l’intérieure de laquelle sont placés des ex-policiers, ex-juges, politiciens et autres personnalités sur lesquels d’autres prisonniers pourraient faire pression. Sa première semaine à Jilava, Tudor l’a passée dans une cellule de 18 prisonniers, avec douches communes à toute la section (environ 200 personnes). Dans la section VIP, qui compte une vingtaine de détenus, les conditions de détention étaient meilleures. Il se souvient de ce que lui a dit un jour un co-détenu alors qu’il donnait une conférence sur l’éducation en prison au centre de réintégration: "Ok M. Tudor, vous êtes optimiste et heureux, mais vous avez de l’argent pour acheter de l’eau en bouteille et des cigarettes au magasin et pour passer des coups de téléphone, nous on n’en a pas." Les cigarettes sont la monnaie d’échange à l’intérieur de la prison pour tous les services informels et le troc entre les détenus; l’eau du robinet passe dans des vieux tuyaux, une grande partie des habitants de Bucarest la filtre ou évite de la boire et les deux détenus qu’on a vu faire leurs courses au magasin avaient chacun un pack d’eau.
"Les inégalités de la société dehors sont répliquées à l’intérieur", analyse Tudor. Les prisonniers dont les proches peuvent envoyer de l’argent peuvent se contenter du travail "domestique" pour des crédits récompense et des jours. Les détenus les plus pauvres, ceux qui n’ont pas de proches pour leur envoyer des paquets et de l’argent qui leur permettra d’acheter ce dont ils ont besoin au magasin de la prison, doivent demander à la commission du travail de travailler à l’extérieur pour toucher un salaire. Mais il ne pleut pas dans le désert et Gabriel Badea, le responsable de la production, énumère certaines des conditions – outre les compétences – pour qu’un détenu puisse travailler dehors : "Qu’il ait une famille qui ne l’ai pas renié, qui l’attende, qui lui rende visite. Qu’il ait quelque chose à perdre, qu’il n’appartienne pas à personne."
“Jilava Intérim” répond à la crise de la main-d’œuvre
Green Revolution est une ONG d’écologie urbaine. Elle s’occupe notamment du service de vélo-partage à Bucarest. Pour 2019, elle a signé avec Jilava un contrat pour 5 détenus. "On collabore depuis 2017, ça se passe bien, c’est bénéfique pour les deux parties", juge Razvan Nastase, manager du projet iVelo. "Les détenus travaillent dans les mêmes conditions que les employés civils, les uns à côté des autres, sans différenciation." Pourquoi Green Revolution s’est-il adressé à Jilava? "À cause de la pénurie de main-d’œuvre qui frappe le pays depuis plusieurs années." Les raisons de cette crise sont multiples: les mauvaises conditions de travail, les faibles salaires proposés, l’exode de la population qui va chercher du travail à l’étranger. L’an dernier, l’ONG avait employé un ancien détenu à sa sortie de prison, il y a travaillé huit mois jusqu’à ce qu’il quitte à son tour le pays.
À l’intérieur de l’entrepôt, les cinq détenus travaillent sur des vélos dans l’atelier. Ils sont tous en régime ouvert, c’est-à-dire qu’ils travaillent sans supervision d’un garde. "On vient avec plaisir ici", dit Virgil. "Je suis toujours en avance à la porte de la prison, on doit partir à 8h30, j’arrive à 8h20. J’aime bien ici, j’aimerais bien revenir y travailler après." "Le temps passe différemment quand on travaille", dit Alexandru. "On se réhabilite mieux que les gens à l’intérieur. On a les téléphones ici, avec le droit d’appeler 10 numéros, et on a une douche aussi." En prison, les douches sont collectives. Pour ne pas perdre ces avantages, ils font bien attention à respecter les règles. Une procédure disciplinaire peut faire régresser les détenus d’un régime ouvert à semi-ouvert, et de semi-ouvert à régime fermé.
La crise de la main-d’œuvre est aussi ce qui a amené Andrei Puiu, directeur de Transan Interactive Distribution, à recourir au travail des prisonniers. Un contrat pour 25 détenus (sur 100 employés au total) a été signé pour la deuxième année consécutive, principalement pour du travail à la chaîne. "Si on n’avait pas de contrat avec la prison, on aurait un gros problème." Il y a plusieurs avantages: "1) zéro absence, vous êtes sûr d’avoir les 25 chaque jour au travail et à l’heure; 2) s’il y a un problème avec un détenu, je préviens Jilava et ils le changent; 3) avantage bureaucratique, c’est plus facile d’enregistrer une facture que 25 contrats; 4) avantage fiscal, le contrat avec la prison passe en frais généraux – je n’emploie pas de salariés, je paie un service – donc je ne paie pas de charges salariales ; 5) les détenus stabilisent les autres employés qui se disent : le patron ne dépend pas que de nous. Donc ils ont moins de levier contre moi", confie-t-il. Les inconvénients: le coût total du contrat.
"Les négociations sont confidentielles mais je peux dire que l’entreprise doit payer plus que pour un employé normal avec tous les frais de transport et de sécurité", dit Cristian Micu, porte-parole du pénitencier.
"Construction d’autoroute, nettoyage, isolation thermique de bâtiments, excavation de tranchées pour faire passer des câbles internet... De nombreuses entreprises cherchent de la force de travail en Roumanie", explique Adrian Neagoe, vice-président du syndicat national des travailleurs de prison. Tant et si bien que la demande est supérieure à la main-d’œuvre que Jilava peut offrir. Cela confère un certain pouvoir à sa "commission de négociation", le troisième organe du "gouvernement" de Jilava. Dans la négociation, l’institution a autant intérêt que le détenu à ce que le salaire soit le plus élevé possible étant donné qu’elle en prélève 60%. Ainsi, Jilava fait à la fois office de prison, de centre de réinsertion et d’entreprise d’intérim. Nous n’avons pas eu accès aux chiffres exacts mais selon Gabriel Badea, le travail des détenus à l’extérieur rapporterait environ 1 million d’euro par an à Jilava. "On a la chance d’être à proximité de Bucarest qui est un grand centre économique", précise Cristian Micu. "À Girgiu, par exemple, ils ne peuvent pas travailler autant car la prison est plus isolée dans une région avec moins d’opportunités de travail."
D’après la loi, les 60% prélevés sur les salaires de détenus ne peuvent être utilisés qu’à l’amélioration des conditions de détention. Depuis des années, la Roumanie est épinglée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ses mauvaises conditions de détention pour lesquelles elle paie de nombreuses amendes. C’est même devenu un enjeu politique épineux pour le pays. Si le travail à l’extérieur ne permet pas, sur le papier, de faire baisser le taux d’occupation de Jilava (aujourd’hui à 140% selon la réglementation européenne, donc surpeuplée), il permet de libérer l’espace durant la journée et d’apporter des revenus servant à améliorer les infrastructures, donc les conditions de détention. Les douches ont, par exemple, été rénovées, l’air conditionné installé dans les espaces communs, les peintures refaites.
Tout semble parler en faveur du travail des détenus qui, depuis que ce n’est plus du travail forcé, respecte les droits fondamentaux, la législation du travail et bénéficie à tous: au personnel, au système pénitentiaire, aux entreprises contractantes et aux détenus eux-mêmes. Le système de crédits-récompense et d’aménagement des peines est efficace et en fait une main-d’œuvre disciplinée, motivée, théoriquement parfaite. Mais peut-être trop parfaite. Cristian Cristea, 36 ans, est docteur vétérinaire et son cabinet établi dans la banlieue ouest de Bucarest souffre aussi de la pénurie de main-d’œuvre. Il a commencé à travailler avec Jilava dans le cadre du programme "Romanian Prison Dogs" – interne à Jilava – où prisonniers et chiens errants participent à leur réhabilitation mutuelle. Il a réalisé qu’il y avait "des gens bien" parmi les prisonniers. Alors à la fin du projet, il a embauché deux anciens détenus tout juste libérés et avec qui il avait bien travaillé à l’intérieur de la prison. "L’un d’eux, 23 ans, est resté six semaines, ça se passait bien, puis il a arrêté parce qu’il trouvait que le salaire n’était pas assez élevé. L’autre, 40 ans, a dit un jour qu’il ne pouvait pas venir parce que sa mère était malade et il n’est plus jamais revenu et ne répond plus au téléphone. En prison, c’était le plus travailleur, il se proposait pour aider à chaque tâche difficile, mais une fois sorti, ici, il utilisait chaque opportunité pour se cacher et aller sur son téléphone. J’étais déçu parce qu’on a signé des papiers assurant qu’il aurait du travail chez nous, ce qui l’a aidé à obtenir sa libérationconditionnelle." Comme si, après leur sortie, les anciens détenus n’étaient plus les mêmes, plus aussi responsables et motivés.
Aujourd’hui, Cristian Cristea est en train de négocier un contrat avec Jilava. Cette fois pour du travail avec des détenus en prison, pas des anciens détenus. "En prison, ils ont des règles qu’ils doivent respecter et ils le font parce qu’ils ont des bénéfices à le faire." C’est le revers du système de récompenses mis en place pour intéresser les détenus au travail et les discipliner, un sytème qui tend à les infantiliser et qui, s’il est efficace pendantqu’ils sont en détention, ne facilite pas ensuite leur réinsertion. Les prisonniers peuvent-ils être autre chose que des "grands enfants"? Compte tenu de la privation de libertés qui va avec leur sentence, cela semble difficile. Ce qui est sûr, comme le dit Cristian Cristea, c’est qu’"une fois dehors, la récompense n’est plus aussi élevée". Car rien n’équivaut à la liberté retrouvée•.